Fin de vie

Docteur Valentine M.
Médecin dans une unité de soins palliatifs  

“Nous manquons cruellement de moyens en France : 22 départements n’ont pas d’unité de soins palliatifs. Le gouvernement lance une convention citoyenne pour faire évoluer la loi Claeys Leonnetti. Mais la vraie question est : faut-il la faire évoluer ? Cette loi permet déjà la sédation profonde et le soulagement des souffrances physiques. C’est parce qu’elle est mal connue qu’elle est mal appliquée. 

Le gouvernement biaise déjà la question. S’il demande : “Voulez-vous mourir dans la souffrance et seul ?” tout le monde répondra non. Mais si l’on propose d’être, entouré, accompagné jusqu’au bout en diminuant les souffrances, ce n’est pas la même chose. Par ailleurs, nos concitoyens ont du mal à voir la différence entre sédation et euthanasie. Le mot “euthanasie” est une manière douce de dire les choses. Car si on parlait de “provoquer la mort”, les personnes interrogées ne répondraient certainement pas la même chose.  

Cela arrive d’entendre des malades nous demander de mourir, parce que leur souffrance est insupportable et qu’ils n’en peuvent plus. Mais quand un accompagnement est mis en place par toute une équipe interdisciplinaire composée de médecins, infirmiers, psychologues, kiné, socio-esthéticienne, aides-soignants, personnel de ménage etc., si la souffrance physique peut être apaisée, il est possible de soulager la souffrance psychologique et spirituelle. 

Cela demande d’être formé, car ce n’est pas facile de soutenir et d’accompagner les personnes qui nous disent qu’elles veulent mourir.”

Témoignage

Chantal Chatteleyn
Bénévole en soins palliatifs

“J’ai été aumônier d’hôpital pendant quinze ans à Haubourdin/Loos et j’ai accompagné aussi en service de soins palliatifs. Je continue aujourd’hui en tant que bénévole à l’hôpital privé “Le Bois”. 

Faire connaître les soins palliatifs est important et nécessite des moyens financiers. Ils ne sont pas assez connus et il en faudrait davantage pour faire face au désarroi et à la détresse devant la mort… Quand on visite les patients, nous écoutons leurs besoins et leur vie. Nous rencontrons beaucoup de non croyants. Ils ont besoin de relire leur vie, de transmettre, et parfois aussi des pardons s’expriment… Être témoin de notre foi et leur dire qu’ils sont aimés de Dieu les aide à ce moment ultime.

Le pape François nous demande d’aller aux périphéries. C’est ce que nous faisons… Chaque fois que nous entrons dans une chambre. On ne connaît pas la personne… Parfois, on ne peut pas mettre de mots alors on laisse place à l’inattendu de Dieu. 

Chaque visite est unique, on est tout petit face à ce qu’un malade nous dit. On est un miroir face à une personne qui veut déposer ce qu’elle a envie de déposer.  L’écoute est essentielle dans notre mission. A la fin, un des patients que je visitais m’a dit : “maintenant je crois que votre bon Dieu, il doit bien exister”. Dans la fidélité de notre présence, on témoigne de la fidélité du Seigneur et de son amour. 

Le Seigneur nous dit : “Tu ne tueras point.” En soins palliatifs, il n’y a pas que la souffrance physique. Pas seulement le soin mais le “prendre soin”, toute la facette de l’humain, du psychologique, du spirituel… Nous devons être présents à tous les niveaux. Beaucoup de souffrances peuvent être allégées. Notre rôle de visiteurs est de montrer à une personne en fin de vie qu’elle est importante, que l’on se mobilise autour de son lit parce qu’elle a de la valeur. De nombreuses fois, des personnes qui voulaient mourir au départ, une fois accompagnées et écoutées, se sont senties prêtes à partir.

 La Loi Claeys-Leonetti, en faveur des personnes malades et en fin de vie, est mal connue. Cette loi a été remodelée en 2016. Elle permet aux patients d’exprimer leurs volontés, a clarifié les conditions de l’arrêt des traitements (refus de l’obstination déraisonnable) quand le pronostic vital est engagé à court terme, et permet de bénéficier de la sédation profonde et continue. Les directives anticipées, souvent portées par la personne de confiance, expriment la volonté du patient. Ces prises en charge de la fin de vie donnent aux personnes le droit d’avoir une fin de vie digne et apaisée.”

Propos recueillis par Tiphaine de Lachaise
Octobre 2022