Église de Lille magazine

Dieu peut-il nous protéger ?

Alors que l’épidémie de Covid-19 a fait des centaines de milliers de morts
dans le monde entier, Sophie sans filtre est allée interroger,
comme à son habitude sans langue de bois, Mgr Bernard Podvin,
missionnaire de la Miséricorde.

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Sophie sans filtre. Pourquoi Dieu n’a-t-il pas utilisé ses super-pouvoirs pour nous protéger de la pandémie ?
Mgr Podvin. Dieu est avec nous. C’est le nom de Jésus. L’Emmanuel ! Pourquoi nous lâcherait-Il ? Le Covid bouleverse la planète. Il est très humain, dans le désarroi, d’interroger la terre entière, et Dieu lui même.
Deux écueils spirituels sont à éviter : jouer au donneur de leçons annonçant un Dieu vengeur nous regardant nous débattre. À l’inverse, nous enfermer dans le déni, voulant éradiquer le virus, à la force de nos poignets, sans écouter les appels contenus dans ces événements. Deux attitudes mortifères pour l’homme et caricaturales de Dieu. Le Seigneur veut que l’homme vive ! Il lui en coûte de voir mourir les siens. Il désire non seulement
nous protéger de la pandémie, mais aussi nous protéger de nous-mêmes, quand nous ne vivons plus à sa ressemblance.

Croyez-vous vraiment que Dieu entende nos cris ?
Il faut beaucoup d’humilité, en ce moment plus encore qu’à l’accoutumée ! Devant le drame de son peuple, Moïse reconnaissait : «Je n’ai pas la parole facile» (Exode 6). Pourquoi l’aurions-nous facile en 2020, prétendant tout savoir, si Dieu n’est pas d’abord écouté ? Que veut-Il nous dire en ces terribles moments ? Laissons-le parler sans nous substituer à Lui ! Job, dans l’Ancien Testament, souffrait atrocement. Il rejetait «ses piètres consolateurs ». Il extériorisa son cri vers Dieu, laissa «sa plainte se révolter». Il comprit que la lumière ne jaillit pas dans l’épreuve sans conversion de soi et de la collectivité. Dieu nous écoute-t-il en plein combat contre le Covid ? C’est Lui qui nous presse de l’écouter ! Il «parle si bas» dit Mauriac. Ajustons nos sonotones. Dieu est pris aux entrailles. Il est sur nos lits d’hôpitaux. Il est dans le geste d’humanité.

Bénir le monde ou la ville : un effet de mode ?
Cet acte du pape François est très marquant. Il relie les générations qui ont invoqué Dieu dans leurs épreuves. Sa bénédiction est pour l’aujourd’hui de la pandémie. Elle puise dans l’énergie priante de tous les siècles. C’est la force de la religion populaire ! Bénir, c’est vouloir le bien. C’est espérer en l’homme. La demande que font les gens est belle. Je l’expérimente dans les neuvaines. Une communion ardente relie nos aînés dans la foi à l’aujourd’hui de notre lutte.

Pourquoi Dieu a-t-il laissé faire ?
Dieu est Dieu. Son coeur est plus grand que ce que nous pouvons concevoir. Le faire arrêter, ou ne pas arrêter, la pandémie, c’est prétendre disposer de Lui. Exemple dans l’Évangile : une tour tombe à Siloë1. Les victimes innocentes étaient-elles plus coupables que les habitants de Jérusalem ? Non, elles n’étaient pas plus pécheresses que vous ou moi. Ce qui préoccupe Jésus est que l’homme se convertisse, sinon il périra de sa suffisance ! Le chrétien refuse le fatalisme. Les événements appellent un surcroît d’amour et de vérité. Maurice Clavel disait : «Soyez guetteurs dans l’événement de tout ce qui ouvre à vos yeux les crevasses par où Dieu se révèle.»

Certains prient même des statues ou des saints, quel intérêt ?
Invoquons les saints. Ils nous précèdent sur une route des hommes qui ne fut pas moins blessée. Ils n’avaient pas prétention à tout élucider, mais aimaient sans retenue. Sainte Élisabeth de Hongrie recueillit un lépreux et l’oignit d’une huile salutaire. C’était le visage du Christ ! Ainsi devons-nous vivre l’épreuve du Covid. Il nous déroute. Il s’insinue dans notre être relationnel. Mais Dieu suscite une réponse nouvelle à chaque combat. Benoit XVI écrit : «Il ne nous est pas donné de connaître la raison pour laquelle Dieu retient son bras au lieu d’intervenir. Prions devant sa face. Pour le croyant, impossible de concevoir que Dieu est impuissant ou qu’il dort. Notre cri, comme sur les lèvres de Jésus en croix, est la manière la plus profonde d’affirmer notre foi en sa puissance souveraine. Plongés, comme tous les autres hommes dans la complexité des événements, nous tenons fermes dans la certitude que Dieu est Père. Il nous aime» (Deus caritas est n° 38).