Un évêque vous parle #fev25
Chers auditeurs de RCF,
L’IA (intelligence artificielle) fait la une de l’actualité. Sa diffusion rapide la propulse sur les devants de la scène. C’est une véritable révolution technologique qui est en marche, bien plus
radicale encore que celle de la révolution industrielle du XIXe siècle. L’IA interroge des domaines aussi divers et essentiels que ceux de l’écologie, de l’anthropologie, de l’éthique, de
la politique ou de la vie sociale. Le vertige nous saisit devant, à la fois, les possibilités qu’elle dessine et l’inconnu qu’elle inaugure.
L’Église catholique s’intéresse de près à l’IA. Le 28 janvier dernier, à Rome, le dicastère pour la culture et l’éducation, en collaboration avec celui pour la Doctrine de la foi, a publié une note intitulée ‘Antiqua et Nova’. Ce texte explore les promesses de la relation entre l’intelligence artificielle et l’intelligence humaine, et énonce les préoccupations éthiques et
anthropologiques de l’Église.
De son côté, la conférence des évêques en France a mis en place un observatoire sur l’IA, et elle réfléchit au lancement d’une IA d’inspiration catholique au service de tous les acteurs de
l’Église. L’Université Catholique de Lille, quant-à-elle, a fait de l’IA un axe important de recherche en matières pédagogique et éthique.
Chers auditeurs, il ne s’agit pas de diaboliser ou, à l’inverse, d’idéaliser l’IA, mais de tenter de discerner à la fois ses possibilités extraordinaires de déploiement des capacités humaines et
ses risques de générer de nouveaux esclavages ou puissances mortifères. Comment éviter que le monde demain ne se partage entre les manipulateurs de l’IA et les manipulés de l’IA ?
Comment veiller à une saine régulation de l’IA qui garantisse un usage respectueux de la dignité humaine ?
Dans cette projection accélérée de l’avenir, d’immenses défis se présentent concrètement à l’humanité, mais aussi à l’Église. J’en énumère trois.
Pour annoncer l’Évangile dans ce monde, l’Église doit mettre à la disposition des chrétiens et des chercheurs de Dieu une IA fiable quant à ses données philosophiques et théologiques.
Dans son œuvre éducative avec les enfants et les jeunes, l’Église se doit de veiller à forger le sens critique vis à vis de la technologie et du monde qu’elle construit.
Par ses écoles et ses universités, si possible aussi dans les familles, l’Église doit aider à transmettre ce qu’on appelle classiquement ‘les humanités’, c’est-à-dire l’extraordinaire patrimoine de la création culturelle et artistique humaine, qui ouvre à la reconnaissance de ce qui fait la singularité de l’existence d’une personne qu’aucune machine ne pourra remplacer.
C’est ainsi que l’Église contribuera à ce que l’IA serve la paix plutôt que la guerre, la fraternité plutôt que la séparation.
+ Laurent Le Boulc’h
Archevêque de Lille
17 février 2025