Carnet de bord d’un curé confiné

Père Bruno Minet, curé de la paroisse de La Madeleine

A quoi vous est-il difficile de renoncer ? 

Je ne trouve pas de réponse immédiate. Bien sûr, il n’est pas facile d’accepter de ne plus rencontrer les autres, les paroissiens, les membres de sa famille, les amis. Mais quand on sait quel mal il s’agit d’éviter, on se fait une raison.

La relation que nous entretenons avec les gens, qu’ils nous soient proches ou non, n’est de toute façon pas moins profonde qu’avant. Au contraire, dans la situation actuelle, on se montre peut-être plus attentif encore à ce qu’ils vivent. On s’inquiète pour eux davantage, on ose aller plus loin dans l’échange (par mail ou par téléphone), et l’on se dévoile aussi peut-être un peu plus.

Que voyez-vous de bon dans ce temps autrement ?

Ce que je vois de bon dans “ce temps autrement” : le temps disponible pour prier (alors qu’en temps ordinaire, on prie souvent entre deux engagements, entre deux rendez-vous… ou l’on ne prie pas !). Du temps pour lire sérieusement, pour étudier, pour chercher à comprendre. Du temps pour faire le point sur le parcours que l’on a pu mener jusqu’à aujourd’hui, et se poser des questions sur le sens de l’aventure : si tout finissait aujourd’hui, qu’aurais-je à offrir au Seigneur ? Du temps pour mesurer le bonheur d’être vivant et rendre grâce.

Comment vivez-vous la continuité de votre mission : de manière pratique et spirituellement ?

J’essaie de rester pasteur au milieu des paroissiens en envoyant un “carnet de bord” aux paroissiens abonnés à la feuille paroissiale d’information.

Extrait de ce carnet, du dimanche 22 mars 2020 : “Aujourd’hui, ce devait être messe familiale. Mais l’église est vide, toute baignée de soleil. J’y suis seul. Je proclame les lectures et je dis les prières à voix haute, je chante le psaume. Paradoxe : dans l’église déserte, la prière se fait vraiment universelle, les visages se pressent, ceux de ma famille et de mes tout-proches, ceux des paroissiens, et d’abord parmi eux les plus fragiles, âgés ou malades, puis ceux des habitants de notre cité, de notre pays, des pays d’Europe et du monde… L’église est finalement trop petite.”

 

Propos recueillis par Tiphaine de Lachaise