Rencontre avec deux prêtres venus d’ailleurs
Père Alain DABIRE, prêtre étudiant originaire du Burkina Faso
Pour quelle raison êtes-vous venu en France ?
Je suis arrivé en août 2018, avec l’accord de mon évêque, pour étudier à la Catho de Lille le management des organisations sanitaires et médico-sociales. J’ai soutenu mon Master en septembre dernier et je continue à étudier les ressources humaines à l’IAE1. Je ne sais pas quand je retournerai au Burkina. Là-bas, je pourrai assurer la gestion des structures de santé du diocèse.
Je suis aussi au service de la paroisse de Wambrechies pour célébrer la messe dominicale, accompagner les couples qui se préparent au mariage et les parents qui demandent le baptême pour leur enfant.
Comment vous êtes-vous adapté à la France ?
Je me suis facilement acclimaté car j’étais déjà venu à plusieurs reprises en France, et en Europe. De plus, j’ai été bien préparé avant d’arriver, sur le plan psychologique et aussi matériel, pour apprendre à cuisiner la nourriture française par exemple !
Quels contacts gardez-vous avec votre pays ?
J’ai pu y revenir une seule fois, en urgence, pour enterrer mon père. Je suis très reconnaissant au diocèse de m’avoir permis de le faire. Je garde des contacts, principalement par téléphone, avec mes frères et sœurs. Mais je ne souffre pas de cette distance. J’ai passé 14 ans au petit puis au grand séminaire en Afrique, en pensionnat. Je suis habitué à l’éloignement.
Quelle différence avec la vie de l’Eglise au Burkina ?
Je rencontre des personnes qui ont une grande foi parmi ceux qui préparent leur mariage ou le baptême de leur enfant. Mais je suis surpris et déçu de voir que certains le font uniquement par tradition, alors qu’ils ne croient en rien. J’apprends à les accueillir. Au Burkina, les catholiques sont une minorité, le pays étant majoritairement musulman. Quand quelqu’un demande le baptême pour son enfant, il s’engage à l’accompagner vers les autres sacrements, Eucharistie et confirmation. L’Eglise est jeune dans mon pays, elle a seulement 150 ans. Là-bas, on refuserait de baptiser ou de marier uniquement par tradition.
Quelles sont les joies et les difficultés que vous rencontrez ?
Les seules petites difficultés que je rencontre sont à l’Université, à cause du décalage d’âge et de culture avec les étudiants.
Ce que j’apprécie depuis que je suis ici, c’est la simplicité des rapports. Quand il y a un problème, on n’a pas peur d’en parler, et cela enrichit les relations.
Je remercie aussi Mgr Ulrich, le père Cazin, les sœurs Bernardines de la Cessoie, qui m’ont chaleureusement accueilli dans le diocèse. Ils ont toujours été à mon écoute pour m’accompagner dans mes choix. Ici, je me sens uni à l’Eglise universelle, dans une même humanité. Je suis très touché par la marque de confiance que l’évêque m’a accordée en me nommant en novembre 2020 membre du conseil presbytéral2. Nous sommes, avec tous les prêtres, en communion malgré nos différences de race, de culture et de milieu social.
Père Innocent Niyimbona, administrateur de la paroisse Saint-François des Monts de Flandre, originaire du Burundi
Pour quelle raison êtes-vous venu en France ?
Je suis arrivé du Burundi en 2009 dans le diocèse de Lille, d’abord comme prêtre étudiant à la Faculté de théologie de l’Université catholique. Après avoir obtenu ma licence, mon évêque et Mgr Ulrich ont décidé de me nommer prêtre fidei donum3 administrateur de la paroisse Saint-François des Monts de Flandre avec ses 6 clochers.
Quels contacts gardez-vous avec votre pays ?
J’arrive à rentrer au Burundi tous les deux ans. Depuis que je suis en France, les applications sur smartphone ont largement facilité le contact avec ma famille, que j’arrive à appeler très régulièrement. Je suis maintenant connecté avec le monde entier !
Comment vous êtes-vous adapté à la France ?
Quand j’ai débarqué à l’aéroport de Paris, j’ai été impressionné par toutes ces voitures sur le parking. Une fois arrivé à Lille, pendant la braderie, quand j’ai vu tout ce monde, j’ai pensé que les gens s’étaient garés à Paris pour venir à Lille ! Mon premier plat a été le traditionnel moules-frites et d’ailleurs, je ne me suis toujours pas habitué aux moules…
J’ai aussi découvert la neige… et un climat qui me dépayse par rapport au soleil africain que je connaissais !
C’était la première fois que je venais en Europe et cela n’a pas été très facile au début. J’avais du mal à reconnaître les gens, à les comprendre (l’accent n’est pas le même que chez nous). Heureusement, le père Jérôme Vanderschaeve m’a rapidement accueilli et intégré.
Quelle différence avec la vie de l’Eglise au Burundi ?
Lors de la première messe à laquelle j’ai assisté, j’ai cru que c’était un jour de deuil national… Je me demandais où étaient les jeunes. Et où étaient partis les paroissiens sitôt la messe terminée. Il n’y avait plus personne sur le parvis.
Forcément, au Burundi, c’est très différent : on chante et danse sans interruption. La participation est très active pendant les messes. Les églises sont pleines, de toutes les générations. Les messes durent plus longtemps, mais on ne regarde pas sa montre. En France, les paroissiens comprennent mal qu’une messe dure plus d’une heure.
Là-bas, où il y a plus de 60% de catholiques, c’est normal d’aller à l’église. Depuis mes 6 ans, je servais la messe et j’y allais tous les jours avec ma mère. Là-bas, on ne fait pas la différence entre ceux qui y vont parce qu’ils sont convaincus et ceux qui y vont pour ne pas se faire montrer du doigt.
Et puis beaucoup de jeunes rentrent au grand séminaire au Burundi, alors qu’ici, on souffre du manque de vocation.
Quelles sont les joies et les difficultés que vous rencontrez ?
Avec le COVID et la fermeture des églises, j’étais désolé d’entendre que l’église ne faisait pas partie des activités essentielles…
Je regrette aussi de ne pas voir beaucoup de jeunes. C’est comme s’il fallait attendre d’être à un âge avancé pour adhérer à Dieu… Mais ce qui est appréciable ici, c’est que la messe n’est pas une obligation. Le petit noyau de convaincus qui se rend à l’église est comme une souche d’arbre qui va redynamiser l’Eglise et l’humanité ! On se doit d’inventer une autre façon de rendre l’Eglise vivante, dynamique et visible.
Beaucoup de gens ne comprennent pas comment j’ai pu m’adapter à Cassel aussi facilement. “Comment as-tu fait ?”… Eh bien, j’ai été vraiment adopté et je remercie Mgr Ulrich et son équipe pour leur accueil. Faire partie de cette Eglise est un vrai bonheur !
Propos recueillis par Tiphaine de Lachaise
- Institut d’administration des entreprises.
- Conseil de l’évêque qui représente l’ensemble des prêtres, il est défini comme « le sénat de l’évêque ». Ses membres sont élus pour quatre ans. Il se réunit quatre fois par an.
- Prêtre attaché à son diocèse d’origine qui est envoyé pour effectuer une tâche pastorale à temps plein dans la paroisse d’un autre diocèse. Il retourne après plusieurs années dans son diocèse.