Réchauffement médiatique !

« Réchauffement médiatique ! » depuis déjà un certain temps, le sociologue Dominique Boullier utilisait l’expression. Non pour jouer avec les mots, et s’aligner sur le réchauffement climatique. Mais pour alerter ! Il discernait en effet gravement dans notre société le risque d’une dangereuse démaîtrise du numérique. « Il ne suffira pas de vouloir bloquer, dans l’urgence, des supports internet propagateurs d’incitation à la violence ». Il pensait, à juste titre, que manquait la prise au sérieux d’une régulation anticipant le dépassement. La boîte de Pandore !
Les dernières nuits émeutières lui donnent, hélas, raison…
Le climat tendu de société court-circuitait depuis longtemps toute réflexivité par une réactivité radicale. Mais nous voici au-delà : plus encore que le mimétisme consistant à « casser comme toi » c’est l’hystérie consistant à « casser plus que toi ! ».
Oh, certes, l’angle médiatique n’est pas seule clé explicative de la crise profonde que nous traversons. Mais sa résonance amplificatrice n’a jamais atteint ce paroxysme. L’acharnement de violence perd toute humanité.
Reconnaissons donc l’acuité du propos de Dominique Boullier.
Soyons humbles. C’est un complexe enchevêtrement de causes qui nous mènent à cette douloureuse situation. Osons reconnaître que ce qui advient depuis quelques jours est généré de plus profond que l’éruption liée à un événement dramatique. « On ne peut ignorer ce qui est structurel » conseillait le sage Xavier Thévenot.

Cet édito diocésain n’est évidemment pas une thèse.
Il essaie d’être le lieu de la clairvoyance et de l’amour.
Alors disons ceci tout simplement :

1) Toute vie est inestimable. Rien ne rendra à une mère son adolescent. Comme à une veuve de policier son époux.

2) Le fait que la majorité des prévenus, arrêtés dans les saccages, sont des très jeunes est la signature d’un immense échec collectif.

3) Le moment gravissime n’est pas de polémiquer, mais se ressaisir dans une cohésion sur l’essentiel.

4) Les responsables de cultes en France ont co-rédigé un message. J’avais, en son temps, participé à la mise en place de ce Conseil. Oh certes, une déclaration ne reconstruit pas « comme ça » ce qui est à ce point délité. Mais elle est signe d’une volonté commune. Elle est aussi, en filigrane, un très fort appel à TOUTES les communautés de ces cultes signataires. Que font-elles à l’échelle qui puisse être leur ? Qu’incarnons-nous comme proposition de sens?

5) Tout ce qui corrompt et désagrège le lien social enrichit de façon gangrenée ses quelques « protagonistes », mais creuse la misère générale ! La remarque vaut évidemment pour les réseaux de drogue, mais aussi pour tant d’autres instrumentalisations. Il ne faut surtout pas lésiner d’agir sur ce phénomène « métastasé ». Il est un point focal du cauchemar que nous traversons.

6) Habituellement, les éditoriaux de juillet ont un ton vacancier plus léger ou ressourçant. Il eût été incompréhensible que la violence ambiante ne soit pas évoquée. Écrire cela n’est pas contradictoire avec le repos amplement mérité par beaucoup. Mais donne à notre prière et nos actes de cet été, une tonalité de veille. L’enjeu est à la fois systémique et personnel. Le franciscain Giacomo Boni dit : « Quand la tête, les mains et le cœur disent la même chose, on peut être sûr que c’est vrai ».

7) L’imminence des JMJ à Lisbonne est symboliquement forte. Fais, Seigneur, que se lèvent, en toutes cultures et religions, des Carlo Acutis, capables de catalyser le bien, le sain, le saint, le constructif. De le traduire en langage audible pour leur génération. D’être des « influenceurs » de justice et de paix !

Mgr Bernard Podvin
Missionnaire de la Miséricorde