Qui a prononcé ces mots ?

Un jeune est incarcéré dans un camp asiatique. Il se sait condamné. Il écrit à sa mère : « Un prisonnier m’a parlé de quelqu’un qui a dit : « mon joug est bienfaisant, mon fardeau léger ». Je ne sais ce que cela signifie. Mais je peux dire que lorsque j’entendis ces mots, j’ai senti un soulagement, et la conviction que ma mort ne sera pas définitive. Et ma vie pas vaine. Maman, s’il te plaît, découvre qui a prononcé ces mots, pour que je puisse m’asseoir avec lui dans l’autre monde!.. »

Témoignage bouleversant.
La référence évangélique est en Matthieu 11.
Elle est devise de notre nouvel archevêque !
Il nous dira comment elle s’origine en son choix pastoral.
Il nous partagera l’expérience humaine et spirituelle qu’elle peut représenter à vivre ensemble.
Notons ici simplement que le joug est cette pièce de bois qu’on dispose pour atteler le bétail.
Abstraitement, le joug est souvent connoté de contrainte, asservissement, s’il est imposé par celui qui veut tyranniser.

Précisément, Dieu veut libérer son peuple de ce qui le meurtrit (Isaïe 9).
Le Dieu biblique propose sa Loi d’amour. Ephraïm, par exemple dans le livre d’Osée, est la génisse à l’encolure de laquelle Dieu se plaît qu’on passe le joug de son dessein.
Quel est donc ce projet de Dieu?
La promesse est « semailles de justice, moisson de fidélité ».
La bienfaisance divine est joie dès l’Ancien Testament.

En Jésus, elle prend dimension plénière, puisque Dieu lui même est venu à l’homme. Le Christ invite qu’on vienne à lui. Il désire que l’on apprenne qui il est : doux et humble de cœur !
« Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples »
Les exégètes nous disent qu’ici est la seule fois que le texte évangélique parle du cœur de Jésus.
La clé de compréhension du joug est en ce point décisive : choisir d’aimer comme a aimé Celui qui est venu du Père. Joug et cœur sont corrélés !
Pas de plus grand amour que de donner sa vie.
On comprend qu’une vie ne soit de trop pour saisir ce mystère.

Le charlatan ? Attendez de lui la promesse d’une vie dont tous les jougs seraient illusoirement abolis.
Le tyran ? Redoutez de lui qu’il fasse peser les jougs impitoyables sur autrui, à seule fin de sa gloire. Jésus n’est ni dans le magique ni dans l’accablement !

Oui, le joug de finitude est à porter sur la terre des hommes.
Oui, le joug des exigences évangéliques est tangible au fil des jours.
Oui le joug n’est compréhensible qu’à la lumière de l’amour sur la Croix.
Sa bienfaisance est à comprendre dans la relation au Christ qui nous lie « de si près » au mouvement de son être.
Le joug est sien !
« Prenez MON joug » dit-il.

Et non « résignez vous à vos jougs ».
C’est en vue de la liberté que le Christ nous a affranchis, précise Saint Paul.
Afin que nous ne nous laissions asservir par tel ou tel joug de servitude. (Galates 5)
Accueillir chaque jour le joug de Jésus, c’est renoncer dans le concret de plus concret aux « attelages disparates » dont parle toute la tradition spirituelle.
Ces attelages qui sont consentements vers le bas, l’injuste, l’idolâtre, le lâche, l’ambivalent.
Cette recherche vive nous rend fraternels de tous les humains.
Notre mission est d’être à eux, au nom de Celui qui porte tout.
La devise de notre archevêque nous lie les uns aux autres en Celui qui veut délier l’humain de l’asservissement multiforme.
La Pâque de Jésus signifie que le joug christique n’a pas été porté en vain.
Le ministère diocésain à Lille, qui s’ouvre est donc un appel à n’être rien les uns sans les autres, et sans se recevoir du Christ.
La bienfaisance du joug de Jésus est que tout se vive en Lui, avec Lui, par Lui.
Bienvenue à vous, cher Mgr Le Boulc’h, afin que nous cherchions ensemble, avec vous, sur cette terre du Nord… « qui a prononcé ces mots ».

Mgr Bernard Podvin
Missionnaire de la Miséricorde.