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PAS À MOITIÉ !

Billet du père Podvin juin 2025
Edito

PAS À MOITIÉ !

Nous sommes dans la maison Martin à Lisieux. Léonie, se trouvant sans doute trop grande pour jouer à la poupée, réunit « au sommet » Céline et Thérèse.
« Tenez mes petites sœurs, choisissez » leur dit elle.
Céline, ayant opté pour un peloton de ganse, Thérèse emporte corbeille et poupée sans autre protocole. « Je choisis tout !  ».
Il nous est précieux d’entendre comment Thérèse relira ce fait. « Ce trait d’enfance est comme le résumé de ma vie entière ».
Plus tard,  dira-t-elle, « lorsque la perfection m’est apparue, j’ai compris que, pour devenir une sainte, il fallait beaucoup souffrir, rechercher toujours ce qu’il y a de plus parfait et s’oublier soi-même ». Alors, relate Thérèse, « comme aux jours de mon enfance, je me suis écriée : « Mon Dieu je choisis tout. Je ne veux pas être sainte à moitié ».

Très beau, me direz vous.
Mais à quoi bon exposer, dans un édito diocésain, une édifiante inaccessibilité ?
Serait-ce faire fi de notre contexte culturel,  souvent incertain, lourd et fragmenté ?
Serait-ce nous décourager ?
Précisément pas !
La même  Thérèse a perçu « que dans la sainteté, les degrés sont nombreux ;  que chaque âme est libre de répondre aux avances de Notre Seigneur ; de faire peu, ou beaucoup, pour son amour ».
Le « Je choisis tout » thérésien n’est donc  surtout pas l’implacable surplomb regardant ceux qui… n’y seraient pas encore.
La petite voie est liberté.
La petite voie de Thérèse est à la fois étonnamment humble et déterminée.
Elle vient s’inscrire au plus quotidien.
C’est d’être aimé que l’on choisit d’aimer.
Et lorsque cet Amour se nomme Jésus, la réponse à cet amour ne peut être… « tiédasse »
Thérèse ne s’élève pas sans son ascenseur préféré…

Si l’on a saisi quelque peu le don de Dieu, on se met à prier comme jaillira le fiat.

C’est pour cela, chers amis,  que la première lettre de Léon XIV à nos évêques français est remarquable de profondeur.
Jean Eudes, Thérèse de Lisieux et Jean Marie Vianney ont, en effet,  été canonisés voici cent ans.
Le Saint Père fait cadeau à nos évêques d’une tonique et apaisante expression.
Pas une nostalgie,  mais l’invitation à recueillir, chez ces trois figures saintes, de quoi vivifier l’élan missionnaire de 2025.
Beauté de ce message de Léon XIV !
Oui, reconnaît le Saint Père, nous avons souvent à pérégriner courageusement sous des vents contraires ou hostiles. Il cite indifférentisme, matérialisme, individualisme. Mais  ces trois témoins de sainteté ont pertinence aiguë pour l’aujourd’hui de notre route.

Amis lecteurs, tant de choses sont écrites  sur notre  « diaire » familial, communautaire, professionnel…
Certains matins, nous ne savons par quoi commencer.
En juin, au calendrier liturgique, surabondent les rendez-vous avec la grâce de cet approfondissement :
Pentecôte, Marie Mère de l’Eglise, Sacré Cœur, Sainte Trinité, Saint Sacrement, Saints Pierre et Paul….
Ordinations, pèlerinage à Lourdes.
Au plus humble,  comme au plus solennel de ces moments. Au plus joyeux, comme au plus crucial des instants, choisirons-nous le « tout » de la petite Thérèse ?

Rien n’est insignifiant pour Dieu.
Tel parlementaire demande conseil spirituel avant de se déterminer sur l’extrême gravité de la fin de vie ?
On ne peut se prononcer  à moitié.
Tel soignant, tel bénévole viendront réitérer les mêmes gestes prévenants envers leur frère souffrant, comme si ces gestes étaient les premiers ?
On ne peut aimer à moitié.
Tel frère sera ordonné ?
On ne devient pas prêtre à moitié.
Tel couple s’unira devant Dieu ?
On ne fonde pas à moitié.

Le monde, l’Eglise ont tant besoin de témoins, de prêtres, de diacres, de consacrés, de foyers, qui ne conçoivent pas à moitié leur engagement.
Non parce qu’ils seraient performants là où d’autres ne le seraient pas.
Mais parce que l’Amour qui nous désire suscite en nous  ce désir plénier.
Parce que « la raison d’aimer Dieu est Dieu même ». La mesure de l’aimer «  se hisse » pauvrement à cette infinie mesure.
A cette miséricordieuse mesure.

Pour  que ces plénitudes  soient saintes, et jamais  imbues, il faut  beaucoup, beaucoup d’humilité : se vider de toute présomption de s’en sortir sans la communion des saints.
Nous ne sommes  rien sans le don de l’Esprit.
Nous ne devenons  pas, selon le cœur de Dieu,  sans être portés par la commune espérance.

Le « pas à moitié » est réponse d’évangile de celui qui entend « Sans moi vous ne pouvez rien faire » (Jean 15)
Le « pas à moitié » demeure brûlant de désir.
Le « pas à moitié » est sans cesse en devenir.
Le « pas à moitié » n’est pas prétention à être aboutis dans la suffisance, mais recherche joyeuse, et espérante, de Celui qui nous a tant aimés.

Mgr Bernard Podvin
Missionnaire de la Miséricorde

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