NE CRAINS PAS PETIT TROUPEAU !
NE CRAINS PAS PETIT TROUPEAU !
En de nombreux dialogues, revient la question « du nombre » : combien de participants à telle proposition pastorale ?
Combien de personnes à telle célébration ?
Combien de membres en telle instance ?
Combien d’inscrits ? Combien de suivis numériques ?
Nul ne niera l’importance de cette préoccupation quand on est investi, sous une forme ou une autre, de la mission d’évangélisation.
La statistique, reconnaissons-le, hante les esprits quand il s’agit de l’affiner: évolution des chiffres dans l’histoire, réalités des âges, conséquences concrètes de renouvellement des personnes, impact sur la vie matérielle.
Il peut aussi y avoir une légitime souffrance à ne pas se sentir « efficaces » dans une certaine « attractivité ».
Surtout si se mêle à cela une considération polémique: des frères et sœurs dans la foi auraient davantage « le vent en poupe ».
Certains auraient raison? D’autres auraient tort?
On fait dire aux chiffres ce que l’on veut. On les brandit pour s’auto satisfaire ou s’auto flageller.
La réalité statistique peut faire choc psychologiquement et spirituellement. Elle sidère ou ravive l’ardeur des communautés et de leurs responsables.
Tout ce qui est évoqué ici, prend visage concret pour le curé et son EAP, pour la catéchiste, pour l’animatrice d’aumônerie ou de mouvement. Oui, la question est bien incarnée !
Tout ceci est matière à analyse et discussion dans sa traduction vocationnelle: qui se lèvera demain? Qui sera suscité par nos communautés pour offrir sa vie au Christ ?
« Les Églises s’affermissent dans la foi et le nombre de croyants grandit chaque jour » dit l’auteur des Actes des Apôtres (16,5)
Mais pas comme d’un claquement de doigt.
Comme fruit d’un témoignage !
La joie de grandir en nombre n’est donc ni surfaite, ni à éluder comme enjeu missionnaire. On notera cependant que les communautés naissantes ne cherchent jamais « le nombre pour le nombre ». Mais ont le souci de vérifier l’authenticité des cœurs dans leur adhésion au Christ ressuscité. Ce discernement n’est pas de tout repos. Il n’y a rien d’idyllique dans les relations interpersonnelles, dès les temps fondateurs. Les « discussions étaient vives » précise l’Ecriture. Mais l’évangile est annoncé au cœur de ces dissensions et vicissitudes.
Il y aurait donc deux risques corrosifs en 2021, et en contexte marqué par la Covid :
soit balayer du revers hautain la question du nombre, soit se morfondre à ne considérer que ce point.
Le premier geste serait irresponsable et orgueilleux, le second morbide et culpabilisant.
Écoutons Jésus : « Ne crains pas petit troupeau, il a plu au Père de te confier le Royaume » (Luc 12)
La perspective posée par Jésus est aimantée par la confiance du Père.
Être peu nombreux, mais dépositaires de plus grand que nous-mêmes ! Cela convertit complètement la perspective.
Cela dynamise le désir d’inviter autrui à rejoindre cette joie ineffable.
C’est de Jésus que vient l’appel à « ne pas craindre », au sens biblique du terme.
Ni se replier dans sa rancœur. Ni se gargariser. Seraient-ce Paul ou Apollos qui auraient trouvé la seule et unique clé d’évangélisation ? Seraient-ce Paul ou Apollos qui auraient été crucifiés ? (1 Corinthiens 3)
Le petit troupeau a reçu « mission royale ».
N’être aujourd’hui que quelques-uns dans un village, une cité, une aumônerie?
Éprouver la dureté que représente cette appartenance à un petit nombre ?
Certes, mais être habités et reliées par la présence vivifiante du Christ !
Être croyants en Celui qui se livre pour la multitude ! On ne rejoint « le plus grand nombre » que si on le place en Christ dans son cœur, sa prière, son estime, sa sollicitude. On ne respecte autrui que s’il est aimé par nous de l’amour venu du Christ.
Le petit troupeau n’est pas dérisoire aux vues du Christ s’il est ardent et communicatif de cette joie.
Toutes nos réalités d’Eglise en Europe ont à accueillir cet appel de Jésus. Le statut minoritaire et sécularisé est une composante sociologique incontournable ; non dépourvue d’importance et d’intérêt réflexif. Mais le désir du Christ que nous recueillons le Royaume, en nos humbles vies, doit être creusé en théologie et pastorale. Il relève ni plus ni moins de notre conversion! Ne plus considérer notre « troupeau » à l’aune de nos critères. Mais avec le regard de Jésus !
Mgr Bernard Podvin
Missionnaire de la Miséricorde