Lourdes

Date de sortie   8 mai 2019
Durée              1h31
Réalisé par       Thierry DEMAIZIÈRE, Alban TEURLAI
Genre              Ressourcements
Origine            France

Le rocher de la grotte de Lourdes est caressé par des dizaines de millions de personnes qui y ont laissé l’empreinte de leurs rêves, leurs attentes, leurs espoirs et leurs peines. À Lourdes convergent toutes les fragilités, toutes les pauvretés. Le sanctuaire est un refuge pour les pèlerins qui se mettent à nu, au propre – dans les piscines où ils se plongent dévêtus – comme au figuré – dans ce rapport direct, presque charnel à la Vierge.

 

 

Un documentaire sur Lourdes, réalisé par un duo de réalisateurs agnostique et athée, spécialisé dans les portraits d’acteurs dont le sulfureux Rocco SIFFREDI. Sur le papier, et sachant combien le sujet prête aux ricanements bien-pensants, tant sur l’aspect miracle que sur le côté business, le pire serait à craindre… sauf à connaître le travail de Thierry DEMAIZIÈRE et Aban TEURLAI, dont l’intérêt premier s’attache aux personnes, qu’elles soient célèbres ou anonymes. Passé un bref carton statistique – nombre de visiteurs, de guérisons inexpliquées, de miracles reconnus – nous voici au contact de la foule des pèlerins. Foule innombrable que figurent toutes ces mains venues caresser l’austère rocher de la grotte de l’Apparition. Mains ridées ou mains d’enfants. Mains baguées, à chapelet, ou mains nues de pauvre. Mains d’hommes, mains de femmes, mains un peu paumées entre les deux. Mains de toutes couleurs, toutes en quête d’espérance.

De cette foule, les réalisateurs ne peuvent isoler qu’une poignée de trajectoires. Elles suffisent cependant à couper court aux sarcasmes. Qui aurait envie de se moquer de Patrick, de son petit Jean-Baptiste, et du tout petit Augustin en sursis, resté à la maison avec Laetitia, leur maman courageuse ? Ou des parents de Cédric, quadragénaire dont l’enfance pleine de promesses fut brisée par l’accident qu’on n’imagine pas – et qui depuis a rejoint le Père ? De Jean-Louis, privé de mots mais invariablement porté aux longues phrases ? Ou de Sylvie, de Jean, de Céline, d’Isidore… Assemblée de gens brisés, secoués, maltraités, par la vie ou par les autres, qui viennent chercher, sinon la guérison que beaucoup n’osent implorer, du moins une consolation, une paix intérieure, et la force de continuer. Que de lourdes croix ainsi porté es, mais quelles leçons données par ceux qui les portent ! Nulle révolte, nulle amertume dans cette assemblée de pauvres : au contraire, une communion où tous peuvent sans honte se montrer au grand jour, chacun dans sa faiblesse particulière, et même s’entraider dans l’épreuve – comme le fait Jean-Baptiste en tenant la main de la vieille Maïté dont il ne parle même pas la langue.

Dans le tableau, ne sont pas oubliés les brancardiers, hospitaliers, infirmiers, aides-soignants, et bien sûr les prêtres, diacres, religieux et religieuses, tous au service de Dieu, directement ou à travers leurs frères et sœurs pèlerins. Et tant pis si les jeunes bénévoles sont parfois plus préoccupés de leur avenir que du malade dont ils ont la charge : on n’a pas trop d’une vie pour apprendre à s’oublier au service du prochain. Et qui sont les prochains ? Des malades, des éclopés, des diminués, des prostitués, des rejetés… en somme, « tous ceux qui venaient à Jésus » – comme le rappelle si justement ce pèlerin gitan – et qui aujourd’hui affluent à la ville mariale pour « se faire bercer par leur Maman ».

Par moments, la caméra succombe à la tentation du plan spectaculaire, tel cet Ave Maria aux flambeaux. Jusqu’aux étals d’un « marchand du temple » qu’elle parvient à rendre esthétiques – unique concession faite au cliché du reportage sur Lourdes. Très vite, l’objectif retourne aux visages, le micro recueille confidences et prières, avec la plus grande pudeur et sans voyeurisme aucun. Certes, on ne saisira pas de guérison en direct. On verra en revanche que de ces images, recueillies et montées par deux incroyants, rayonnent les plus vibrants témoignages de foi, de ceux que l’on voit rarement au cinéma, même dans des œuvres ouvertement prosélytes. N’est-ce pas là en soi un petit miracle ?

Christophe Aelbrecht