LES FRUITS, ENCORE VERTS, DU FIGUIER

Le vendredi 19 avril dernier, un visiteur eût subrepticement franchi la porte de la chapelle de la Maison diocésaine de Merville, il « tombait » sur…. quatre-vingt curés et leur archevêque en oraison silencieuse prolongée !

Effet de surprise ? Font-ils donc tant de kilomètres pour… se taire ? Ne peuvent-ils accomplir chacun leur prière dans l’oratoire de leur presbytère ? Tant est à faire pour le monde et l’Eglise ! Effet de soulagement ? Non point douter que les prêtres prient … mais, vous comprenez, on les voit tellement courir ! Se réjouir de les voir se poser et prier ensemble….

Nous avons dit « oraison silencieuse prolongée ». Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. Oraison : acte libre consistant à s’exposer gratuitement à l’amour de Dieu. Silencieuse : le divin amour a grand désir de s’expliciter quand s’estompe le brouhaha, et quand le cœur humain s’éveille à cet ajustement.
Prolongée : on n’accède pas à la prière de Jésus « sans recevoir de Lui l’authentique relation au Père et au peuple de Dieu» insiste François Xavier Humann, actuel abbé de Mondaye.

Oraison : tout humblement, en Ta présence aimante.
Silencieuse : tant de nos réunions ou liturgies sont congestionnées de ne point laisser… parler le mystère.
Prolongée : c’est dans le consentement durable que se fraie la désappropriation de soi.

Plus va le monde à son agitation, mieux l’humble priant le porte vers son Créateur.
Plus les fruits verts du figuier sont battus par la tempête des événements (Apocalypse 6) mieux les veilleurs d’amour sont à leur mission.
Plus la pastorale est à l’urgence, plus elle doit être intériorisée.

Une oraison silencieuse prolongée n’est ni fuite de la responsabilité, ni magasin de recettes.
Le jésuite François Guilloré (breton, ce qui n’est pas sa moindre qualité !… ) insistait au 17e siècle: « L’oraison n’est ni ensevelissement dans les vapeurs du sommeil, ni postures maniérées. Il s’agit de se mettre en la présence de Dieu. En sa divine majesté. Tandis que l’esprit fait son devoir, le corps aussi doit le faire » !

Ni paresse, ni excentricité.
L’oraison ne demande surtout pas à Dieu le préfabriqué de la décision.
Mais elle permet à Dieu d’être Dieu.
Et au disciple de devenir disciple.
Elle éloigne du cœur l’orgueil et la superbe.
Elle signifie notre vocation à marcher derrière le Maître.
Et ne surtout pas devancer l’Esprit, comme le Tentateur voudrait nous y pousser.
Les gens du Nord, dit-on souvent, s’honorent par leur action généreuse.
Il y a là beaucoup de vrai.
Le revers de ce tempérament pro actif est, toutefois, de ne pas assez se recevoir de plus grand que soi, de plus intérieur à soi.
De ne pas assez lâcher prise.

Cet édito sur la vivifiante « oraison des curés » est évidemment extensible à tout ami de Jésus. Tout état de vie. Toute mission.
Saint Jean Baptiste de La Salle demande, par exemple, à l’éducateur « d’entrer dans sa classe avec un profond respect, en vue de la présence de Dieu ».

Cette intention éducative n’est-elle pas brûlante en 2024 ?
Au plus concret du quotidien, nous avons tous à réapprendre du divin Amour !
Lui-même désire nous inspirer aux heures décisives (Marc 13)

Mgr Bernard Podvin
Missionnaire de la Miséricorde