LE BEL AGENOUILLEMENT !

Nous sommes en 1916. La guerre est terrible. Le jeune prêtre Teilhard de Chardin est parmi les soldats. Depuis une tranchée basse et humide, monte la prière eucharistique. Oui, il célèbre la messe en présence de six autres militaires. L’abri est tellement exigu. Tous, lui compris, sont à genoux. Seule posture envisageable en ce maigre espace vital. La célébration s’achève. « L’ennemi nous envoie une de ces dégelées qui secoue tout le secteur ! » témoigne l’un d’eux. Teilhard leur dit alors : « J’avais encore une bénédiction à vous donner. Le Christ est avec nous, et n’a pas voulu que l’un de nous soit atteint ». Il donne sa bénédiction.

Chacun la reçoit avec une ferveur palpable. Puis rejoint son poste de garde.

Il me semble voir notre humanité d’aujourd’hui en cette parabole. Humanité toute traquée en ses contradictions et violences. Recluse en son abri. Exposée à tant d’incertitudes. L’agenouillement, requis par la taille de la tranchée, prend ici une force symbolique en notre chemin vers Pâques.

Le bel agenouillement !
Celui d’humains trop fiers de leur haute stature ; consentant à recevoir de plus grand qu’eux-mêmes la raison de leur vie.
Celui de compagnons de fortune ; recevant leur fraternité de plus profond que leur promiscuité.

Le bel agenouillement,
Du soignant aux pieds de l’aîné.
De l’artisan au chevet de son œuvre.
De la maman liant le lacet de l’enfant.
Du jardinier prenant soin de sa terre.
De l’adorateur au silence de sa foi.

Le bel agenouillement !
Venant piquer à vif l’orgueil de la suprématie.
Mettant à l’épreuve bien plus que… notre ménisque.
Guettant surtout l’arthrose de notre espérance.

Le bel agenouillement
De Jésus en prière au jardin des Oliviers (Luc 22) « Ta volonté, et non la mienne ».

Le bel agenouillement du croyant devant Celui de qui vient toute Paternité (Eph 3)

L’émouvant agenouillement du lourd portement par le Christ de sa croix, vers Golgotha. Afin, qu’au nom de l’Amour, tout genou fléchisse (Philippiens 2).

De l’agenouillement, nous le savons, peut surgir la plus humiliante comme la plus féconde des conditions.
La plus dégradante, comme la plus sainte attitude. Notre Seigneur a tout enduré.

S’il s’agit d’opprimer, le genou mis à terre génère tristesse et ressentiment.
S’il s’agit de prier, méditer, discerner, la posture agenouillée convertit le cœur, et le porte au grand large.

« Si ce discours vous plait et vous semble fort, disait Blaise Pascal, sachez qu’il est fait par un homme qui s’est mis à genoux ».

Fructueuse suite de conversion.
Dans l’onéreux et bel agenouillement de l’âme qui plait à Dieu.

Mgr Bernard Podvin
Missionnaire de la Miséricorde