JOUR APRÈS JOUR…

Semaines cruciales ! Ô combien…
Croire ce que nous ne voyons pas encore.
Mais voir déjà !
Être affligés chaque soir par la litanie annonçant ceux qui souffrent et nous quittent.
Voir le sublime courage de ceux qui luttent afin que la litanie s’estompe, quand les vents tourneront.
Regarder, dans ce sublime dont l’humain témoigne, ce qui est déjà, et n’est pas encore.
Être angoissés dans la tempête.
Guetter son apaisement.
Ne pas savoir quand sera le paroxysme.
Aspirer sa future retombée.
Être, certains jours, terriblement honteux de se plaindre “pour une bricole”.
Redécouvrir que si la vie semble peu de choses, rien ne vaut une vie.
Avoir les pires motifs de se vautrer, se négliger,  et maugréer.
S’apprêter le corps,  le cœur et l’esprit pour la plus banale conversation téléphonique comme si l’on recevait un roi.
Se regarder avec humour dans la glace du confinement.
Y revivifier l’humilité la plus concrète.
Vouloir, impuissants, sortir au loin, tout agiter, embrasser l’humanité.
Consentir à être, en ce réel, altruistes et féconds dans l’obéissance absolue aux règles du confinement.
Rêver puérilement que le confinement nous transformerait tout de go.
S’étonner devant ce que chaque petit quart d’heure abrase en nous.
Porter dans sa prière révoltée l’agonisant esseulé.
Se réchauffer à la communion des saints comme au feu de braise de Tibériade.
Reconnaître humblement à quel point nous banalisons, dans l’ordinaire, les sacrements.
Mesurer, tels de petits enfants, combien les désirer ravive la divine Présence en nous.
Surfer, si souvent à la hâte, sur la Parole de Dieu.
Vouloir qu’elle établisse sa demeure dans la tente de notre confinement.
Applaudir à vingt heures ceux qui se dévouent pour la survie quand la maison brûle ? Oui, les applaudir à rompre nos paumes !
Mais s’engager plus encore à une reconnaissance authentique envers eux, quand l’incendie sera maîtrisé.
Sonner les cloches ? Oui, les sonner aux volées de l’amour afin qu’elles tintent nos glas et nos ferveurs. Mais accueillir leur sonorité comme l’Angélus intérieur des conversions attendues en nous.
Avoir des hauts et des bas ?
Vivre les bas comme un relèvement, et les hauts comme une école d’humilité.
Encourager autrui. Consentir à ce qu’autrui nous encourage.
Relire sa vie, y puisant toute vibration pour vivifier l’aujourd’hui, dans l’incandescence de ce que Dieu et nos frères firent de si bon  pour nous.
Renâcler contre Dieu, les décideurs, les autres, la société et les temps, d’en être “réduits là ?”
Renâcler, oui, si ce cri nous est nécessaire.
Mais savoir aussi passer cette rancœur au tamis du discernement.
Reporter les débats légitimes aux temps qui seront ceux de débattre.
Écouter le psalmiste dire combien il en coûte au Seigneur de voir ainsi les siens.
Entendre l’apôtre demander de prier pour les responsables sur ligne de crête.
Comprendre Saint  Alphonse de Liguori dire qu’il n’est aucune révision cosmique qui ne soit d’abord nôtre.
Croire que Dieu nous est plus intime que nous-mêmes, et plus universel que quiconque.
Amis de la newsletter, vous êtes là au rendez-vous hebdomadaire que nous nous sommes promis. Merci d’alimenter ce lien de toutes vos humeurs, initiatives, méditations.
Le philosophe Bruno-Marie Duffé, proche collaborateur du Pape, que Lillois nous apprécions avoir reçu et entendu, dit avec justesse : “L’histoire commence, en ce moment aveugle où nous osons aimer, alors que le mal existe”.
Merci à toi soignant, pompier, caissier, transporteur, éboueur, policier, militaire, éducateur, informateur, chercheur, élu local, agriculteur…
Merci à toi qu’aucune case INSEE ne recouvre.
Merci à vous professionnels et bénévoles “d’oser aimer en ce moment aveugle”.
Merci à vous acteurs d’Eglise, confinés de la commune humanité, missionnés en ce moment même, à l’inédit d’un Carême qui doit porter la pandémie du monde sur les autels de la petite et vive espérance.
Amis lecteurs, notre espérance est ce que nous avons de plus infime et de plus grand !
France Quéré nous le disait, depuis toute sa fragilité intuitive : “L’espérance est sobre et têtue. Le front baissé, elle n’a pas l’air de chercher l’impossible. N’en croyez rien. L’impossible, elle le taille dans le possible, jour après jour. Elle a les mains vides. Ne voyant presque rien, elle dit voir. Elle guette les signes pas plus gros que grains de poussière. Dans son cœur,  tressaille le grand secret du Royaume.”
Amis lecteurs, on ne lâche rien ! À samedi !

Mgr Bernard Podvin
Missionnaire de la Miséricorde