JEAN-PAUL 1ER : LE RAI DU SOURIRE DIVIN EN NOS OPACITÉS

JEAN-PAUL 1ER : LE RAI DU SOURIRE DIVIN EN NOS OPACITÉS

Nous étions en 1978. J’étais étudiant. Ma vocation chrétienne n’était  ni  « dissimulée » ni ignorée des collègues. Ils ne manquèrent pas de m’interroger sur cette « année aux trois Papes »Jean-Paul 1er achevait, l’ayant à peine inauguré, un pontificat de…trente trois jours.Trente trois jours!A vue humaine, cela semblait  tellement éphémère.
A vue ecclésiale, cela semblait tellement « furtif et enfoui » entre les  deux pontificats magistraux de Paul VI et Jean-Paul II.Que signifiait donc  cet événement,  pour lequel  il fallait remonter au Pape Léon XI (en 1605!) pour lui trouver semblable brièveté?Que voulait  nous dire le Seigneur que, hélas,  nous n’écoutions guère à la profondeur de son expression divine ?Qu’avions nous à creuser intérieurement, bien au delà de cette période étrange ?Sans doute l’essentiel, comme Dieu seul « sait y faire »Sans doute l’essentiel dont, en 2022, nous n’avons pas encore pris la mesure spirituelle.La destinée mystérieuse de Jean-Paul 1er aura été de catéchiser la terre par son sourire.Un sourire, ça transforme tout, dit on souvent.Un visage habité, respectueux  et invitatoire.« Je puis vous assurer que depuis que je suis devenu votre évêque, je vous aime beaucoup » dit il aux diocésains de Rome dans son premier (et ultime!)  contact.Tout est dit. Un amour est transmis!Une simplicité évangélique devient communicative.Oh surtout pas de mièvrerie.Albino Luciani était  d’une trempe forgée au courage de la foi en actes.Son sourire, s’il traverse les décennies, n’est pas un doucereux message ignorant les vicissitudes de la vie.La pastorale du patriarche de Venise était  vivante, non comme une dynamique auto centrée, mais comme une conversion à Jésus. Le sourire d’Albino Luciani est  le rai de lumière, venu du cœur de Dieu pour habiter le cœur de l’homme.Jean Paul 1er est béatifié  tandis que nous vivons nos rentrées scolaires, professionnelles, associatives, pastorales.A la précipitation  de nos reprises, il vient poser son sourire divin nous invitant à la relativité des questions, à la hiérarchie des enjeux. « Que sert à l’homme de gagner l’univers s’il vient à perdre son âme? » nous disent l’évangile et Blaise Pascal.Le  sourire de Jean Paul 1er  éclaire notre risque d’empressement au discernement.La si courte mission qui fut sienne touche aux fondements de la synodalité en cours de débat : « Nous sommes à la tête si nous sommes au service, insiste t’il se référant à St Augustin. Oui, nous  présidons si nous servons Notre présidence est justifiée si elle se réalise dans un but, un esprit et un style de service » Et il ajoute dans le désir de nourrir et guider son peuple: « Mon ministère n’est pas d’être un gardien de paille, un épouvantail à moineaux mis dans la vigne pour que les oiseaux ne becquettent  le raisin »Jean Paul 1er est animé de la volonté de guider, accompagner.Son sourire légendaire n’est donc pas une extase qui déresponsabilise.C’est ce que les auteurs spirituels appellent « une extase de charité pastorale », c’est-à-dire un débordement d’amour suscitant la compassion et la conversion.Puissions nous trouver la simplicité catéchetique  de Jean-Paul 1er et quitter nos verbeuses formulations de la foi.Puissions nous cultiver l’empathie qui était sienne, mais jamais par démagogie . Tout comme  St Grégoire, Jean Paul 1er frémissait que Dieu lui reproche d’acheter la sympathie des gens sans qu’elle soit le lieu d’une transformation intérieure.A nos visions si courtes de l’humain , écoutons Jean-Paul 1er  qui, comme les prophètes, souhaitait « le futur de la confiance »Tout est à la fois éphémère et si dense en ces trente trois jours !Dieu inspira en si peu de temps à son serviteur de nous communiquer comme un abrégé de l’existence selon le Christ.Critère  bouleversant chez Jean Paul 1er : être à la fois  si disposé à la rencontre des gens et habité d’un langage donnant aux personnes leur grandeur venue d’en haut. Il disait lors d’un Angélus:« La violence ne peut pas tout. Mais l’amour peut tout. Demandons au Seigneur la grâce qu’une nouvelle vague d’amour envers le prochain envahisse notre pauvre monde »Je vous souhaite une rentrée forte de cette conviction et de cette intercession.Laissons nous gagner par ce sourire venu de si profond afin qu’il nous mène au-delà de nous.Belles reprises en vos communautés à l’appui de celui qui, conscient de sa pauvreté voulut en toute humilité s’appeler Jean-Paul.« N’ayant ni le cœur de Jean XXIII, ni la culture de Paul VI »Il croyait  n’être rien sans Dieu et les autres. Que sommes nous, que nous n’ayons reçu et vocation à partager ?Que serions nous sans la réception du rai de son sourire ?

Mgr Bernard PodvinMissionnaire de la Miséricorde