État de la pauvreté en France 2020
Le Secours Catholique-Caritas France publiait le jeudi 12 novembre dernier son rapport statistique annuel État de la pauvreté en France 2020. Constats et analyses sur la précarité issus de l’observation sur l’ensemble du territoire national de plus de 55 400 situations (sur les 1 393 000 personnes accueillies en 2019).
Pour son rapport 2020 qui alerte sur la dégradation du niveau de vie des plus pauvres, l’association a complété son étude d’une enquête approfondie sur leur budget, pointant les privations quotidiennes et les arbitrages impossibles auxquels ils sont confrontés : chauffer le logement ou se nourrir, acheter un habit pour la rentrée ou payer la facture d’électricité.
Le Secours Catholique rappelle ainsi que nombre des dimensions de la pauvreté sont liées à une constante : l’insuffisance et l’instabilité des ressources.
FINANCIÈREMENT AUSSI, RESPIRER !
Par Véronique Fayet, présidente du Secours Catholique et Vincent Destival, délégué général
Avec la crise sanitaire, la France a ouvert les yeux sur une réalité qui passe d’ordinaire sous les radars : des familles, des personnes seules, des jeunes ont besoin de l’aide alimentaire pour ne pas avoir faim. À en croire le ministre de la Santé et des Solidarités, en cette fin 2020, 8 millions de personnes ont à subir cette humiliation. 12 % de la population. Huit fois plus que dans les années 1980. Tout le monde semble l’ignorer ou, pire, s’y être accoutumé. Cette situation est une honte dans notre pays riche !
Ce drame silencieux, les bénévoles du Secours Catholique le côtoient au quotidien. L’aide pour pouvoir se nourrir demeure, après la demande d’écoute, la deuxième raison pour laquelle 1,4 million de personnes se tournent vers nous chaque année. La cause est simple : c’est l’insuffisance des revenus. Car une fois payés le loyer et les factures récurrentes, dont certaines ne cessent d’augmenter (notamment l’eau et l’énergie), il reste si peu qu’il est impossible de payer la nourriture, les produits d’hygiène, le téléphone, les soins dentaires, les vêtements, les transports, les loisirs…
Avec 2 à 9 € de reste pour vivre par jour et par personne, qui serait en capacité de boucler son budget ?
Alors il faut jongler, en permanence, trouver des solutions. Il faut se priver, se serrer la ceinture sur tout, ne chauffer qu’une pièce sur deux, parfois renoncer à recevoir chez soi ou décliner les invitations des enfants aux anniversaires, faute de pouvoir offrir un cadeau. Il faut encore appeler à l’aide. Quand l’estime de soi est mise à si rude épreuve, quand l’angoisse du lendemain est si forte, comment se projeter vers l’avenir ? Il faut pourtant subir, encore, le regard culpabilisant de la société.
C’est cette réalité que vient documenter ce rapport. Avec 2 à 9 € de reste pour vivre par jour et par personne, qui serait en capacité de boucler son budget ? Près du quart des personnes que nous accueillons, essentiellement des étrangers dont la vie est suspendue indéfiniment à des aléas administratifs, n’ont même aucune ressource financière. Ce drame, le Secours Catholique ne s’y habituera jamais. Pas plus qu’il ne se satisfera de réponses d’urgence apportées à des problèmes aussi structurels.
POUR UN RELÈVEMENT DES MINIMA SOCIAUX
Face au risque humanitaire entraîné par la crise sanitaire, il fallait une aide financière aux plus modestes, un soutien aux associations, la mobilisation de places d’hébergement. Mais l’accès à un logement décent comme l’accès digne à l’alimentation appellent aujourd’hui des réponses de fond. À commencer par un revenu permettant de vivre décemment, ce qui suppose une hausse des bas salaires, un renforcement des filets de protection pour les personnes en emploi précaire, des aides accrues au logement, et un très net relèvement des minima sociaux.
Avec l’apparition du Covid et du masque, chacun peut apprécier combien il est précieux de pouvoir respirer librement. En appelant à desserrer l’étau qui étrangle le budget des plus modestes, nous ne demandons pas autre chose : que chacun puisse, un tant soit peu, respirer.