ET IL Y A ENCORE DE LA PLACE ! 

ET IL Y A ENCORE DE LA PLACE ! 

 

Maître, ce que tu as ordonné a été fait. Et il y a encore de la place !

 

Réponse franche du serviteur en Saint Luc (14,22) sans doute à la fois exténué d’être allé en toutes les rues chercher les pauvres invités au Festin, et médusé que la salle de son Maître soit à ce point extensible aux dimensions de son cœur divin.
En cette fin 2020, ce serviteur de la parabole nous serait précieux tandis que les jauges sanitaires focalisent notre attention !
Cruel paradoxe en effet : la Covid contraint à la distanciation physique quand tout le mystère de Noël appelle la multitude.
La Covid oblige à compter la fréquentation, quand le Rédempteur vient sur la terre marqué du sceau le plus universel.
Protégeons-nous évidemment et protégeons nos semblables.
Un virus a d’autant moins dit son dernier mot qu’une inconscience collective lui fraierait la voie en baissant la garde.
Ne ratons cependant pas le rendez-vous de la contemplation : Bethléem est constitutivement le lieu natif où la place manque au Sauveur qui veut naître au monde, sans être de lui.
L’exégèse de Luc 2,7 est à cet égard féconde de plusieurs acceptions : on lira grammaticalement «pas de place pour » Marie et Joseph dans la salle.
On lira aussi « ce n’était pas une place pour eux » comme pour donner à la mangeoire son statut d’écrin divin. La mangeoire serait le seul habitacle. Les deux lectures sont lumineuses. Dieu manque de place. Dieu fait élection de la seule qui convienne à son humilité.
Bethléem est « petite entre les milliers de Juda » mais déjà discernée par le Prophète Michée comme offrant à la terre  plus grand qu’elle-même.
Bethléem sera destination que l’étoile indiquera aux mages.  (Mathieu 2,2)
Du Nord et du Sud, de l’orient et de l’occident on affluera vers cette source.
L’humble mangeoire recueillant Jésus sera Maison du Pain rompu pour tous les hommes.
Les langes de Noël seront déjà linceul du Tombeau vide.
Il y a bien un ineffable mystère !
Tout est à la fois exigu et inhospitalier à la naissance du Christ et, en même temps, dilaté aux dimensions inouïes de son Amour appelant sans compter au Royaume.
Au fil des siècles, nos Noëls célébrés aspirent à n’oublier aucun des humains
Avec la Covid, l’Avent 2020 rappelle brutalement qu’un comptage pour motif sanitaire, si nécessaire soit-il, doit d’autant plus faire redoubler de communion, de sollicitude, de solidarité !
Contraints au nombre restreint, nous ne pouvons perdre de vue la multitude pour laquelle Dieu vient.
S’il y a jauge Covid, Bethléem, en sa mystique, n’en comporte point.
La ville natale de Jésus sait, en sa douloureuse histoire géopolitique, de quoi sont faits, au fil des conflits, les embargos pour empêcher les pèlerins de venir s’y recueillir.
Voilà qui doit nous rendre priants et fraternels, où que nous fêtions Noël !
Dieu sait ce que signifie manquer de place. Raison de plus pour qu’Il désire qu’aucun homme ne lui manque. Et qu’aucun de nos frères ne nous manque.
Là où nous serons, sera toute la terre par le mystère même du Christ.
Si jauge sanitaire doit être, qu’elle ne confine en rien  notre fraternité.
Si jauge sanitaire doit être, qu’elle ne jauge en rien la réponse de la foi, de l’espérance et de la charité.
Noël : Venue si fragile en sa divinité.
Venue si divine en sa précarité.
Ne disons surtout pas : «drôle de Noël cette année».  Comme si Dieu atténuait la plénitude de sa Venue …
Comme si Noël était une variable d’ajustement.
Que Noël soit !

Mgr Bernard Podvin
Missionnaire de la Miséricorde.