CLAIRVOYANCE, CHASTETÉ, ARDEUR
« Marre d’allumer la télé…. Pas un jour sans un règlement de comptes entre jeunes ».
Constat amer de l’accompagnateur de la jeunesse, désolé qu’on la présente uniquement sous son visage violent.
Dépité, cet éducateur côtoie certes une adolescence en mal être. Mais pas seulement !
Son plaidoyer pour un regard plus large, plus espérant nous rejoint en plein Carême.
Le Christ nous réveille du focus réducteur envers autrui.
Jésus de Nazareth jette au sol nos œillères.
Il sait de quel humus nous sommes constitués.
L’homme passe infiniment l’homme.
Toute limitation de quelqu’un, à l’image qu’on en colporte, est négation d’évangile.
Le Carême est chemin d’authenticité.
Des problèmes ? Des blessures ? Des défis ?
Oui bien évidemment.
Ne surtout pas les éluder !
Les affronter nécessairement.
Dans leur inextricable complexité.
Et Dieu sait s’ils abondent aujourd’hui.
Mais, ne jamais confondre détestation du mal et haine envers la personne.
Le grand commandement de ce Carême jubilaire 2025 est de ne désespérer ni de Dieu, ni du frère.
Ne pas réduire autrui au mal qu’on doit impérieusement traquer ; et auquel nulle complaisance n’est à accorder.
Espérer, autrui afin de considérer à quelle ressemblance il est voué. Parce que Dieu nous espère !
Le Dieu de Jésus est venu aimer l’homme à l’extrême de ce que l’homme peut concevoir.
Le Carême est route d’espérance ; ou n’a plus raison d’être.
En ces quarante jours, nous balbutions ce que la louange pascale viendra expliciter.
Trois grâces sont à demander au Seigneur.
Trois attitudes vertueuses. Trois dons à cultiver. Trois responsabilités.
Une clairvoyance. Une chasteté. Une ardeur.
Une clairvoyance envers les convulsions du monde. De toutes ces lignes courbes, Seigneur, en est-il quelques-unes relativement plus droites, qui correspondent à ton dessein d’amour ?
Une chasteté envers le frère humain et envers soi-même, parce qu’à l’intime se prépare, du dedans, ce qui débordera du cœur.
Une ardeur, pour prier et annoncer que l’homme a vocation à être en Dieu. Nul être ne se réduit à la dissemblance qu’il trahit dans le péché qu’il doit confesser.
Une clairvoyance se recevant de Celui qui voit : « Ils ont des yeux et ne voient pas » (Jérémie 5; Marc 8)
Une chasteté guidée par Celui qui aime :
« Retire tes sandales ; le lieu que tu rejoins est sacré » (Exode 3)
Une ardeur enflammée au brasier de l’Esprit :
« Notre vocation est d’aller enflammer le cœur des hommes, prêchait Vincent de Paul. Que pouvons-nous désirer d’autre ? ».
Une clairvoyance acquise comme fruit de conversion : « Les cœurs purs verront Dieu »
(Mth 5)
Une chasteté, finalité de l’affectivité respectueuse : « Suis-je le gardien de mon frère ? (Genèse 4)
Une ardeur qui soit service, joie, patience, fidélité, prière, hospitalité (Romains 12)
Toutes trois s’appelant l’une l’autre.
Toutes trois sources vive de conversion.
Nul n’est clairvoyant qui ne soit chaste.
Nul n’est chaste qui ne devienne ardent.
Nul n’est ardent qui ne soit d’abord chaste et clairvoyant.
La clairvoyance discerne.
La chasteté honore.
L’ardeur enflamme.
La clairvoyance guette la décision.
La chasteté en assure l’intériorisation.
L’ardeur la propage.
La clairvoyance reconnaît les fruits et les obstacles.
La chasteté est sanctuaire de la vraie liberté.
L’ardeur se fait joie missionnaire.
L’ardeur universalise ce qui doit d’abord être chastement vécu dans la rencontre.
La clairvoyance tranche aux profondeurs de l’être et de l’agir.
Toutes trois n’ont pas d’âge. Mais, chacune s’endurcit si les deux autres disparaissent.
Toutes trois sont servantes de Dieu en l’homme, et l’homme en Dieu.
Toutes trois se demandent.
Elles se flétrissent si on les thésaurise.
Elles se développent si on les partage.
Clairvoyance, chasteté, ardeur… sans cesse perfectibles.
Parce que, Seigneur, nous n’avons d’autre offrande que nous-mêmes.
Mgr Bernard Podvin
Missionnaire de la Miséricorde