Chemin de croix à Halluin

“Avec Jésus, pèlerinage d’ombres et lumières”

Chemin de croix réalisé par Philomène Zeltz

– église Saint-Hilaire à Halluin –

 

L’artiste : Philomène Zeltz

Ses œuvres

La Commission diocésaine d’art sacré a rencontré Philomène Zeltz dans le presbytère d’Halluin en 2016 grâce au Père Jean-Marie Atmeare.

De cette rencontre sont nées trois œuvres :

– 2017 : la Cène et le lavement de pied pour le lieu de silence œcuménique La Passerelle à Euralille

“Je me souviens très bien de cette rencontre. Notre artiste avait un carton à dessin remplis de scènes religieuses et profanes. Plus particulièrement, dans ses œuvres, je découvrais une tête de Christ, au fusain, de toute beauté. C’est lui qui nous a révélé l’immense talent de Philomène.

Je me souviens de l’artiste concentrée, silencieuse, recherchant la vérité et perfection des attitudes des différents apôtres et du Christ. Grâce à elle, le jeudi Saint a été célébré dans ce lieu avec beaucoup d’intensité.”
Anne da Rocha Carneiro, responsable de la Commission diocésaine d’art sacré

– 2018 : réalisation d’une peinture murale monumentale pour le chœur de l’église Saint-Benoit Labre à Lille.

“Cette œuvre lui a demandé beaucoup de travail, plus de 6 mois. Lorsque j’allais sur place lors des réunions de chantier, elle était toujours concentrée, tout entière dans son œuvre, corps et âme. Elle avait même fait le choix de dormir dans l’église pour pouvoir être mieux imprégnée des variations de lumière ! Je l’ai retrouvée plusieurs fois en prière, agenouillée sur le sol.” Anne da Rocha Carneiro

– 2022 : 14 piliers en pierre bleue portent les 15 stations du chemin de croix dans l’église Saint-Hilaire d’Halluin.

Philomène Zeltz nous en parle :

“Au départ je voulais chaque station, de la même largeur que les piliers, j’ai trouvé ça trop présent. Réduit d’un tiers, il s’incruste dans la pierre, animé par les vitraux et le déplacement. Cela confère une intimité. Il faut chercher à voir Jésus en lumière, il y a une démarche personnelle du regardant pour entrer dans le sujet.

Ce format très allongé (146 x 25 cm) m’a posé le souci de représenter une croix entière tout en ayant des figures assez grandes pour atteindre la hauteur des vitraux qui amènent la lumière.

Le père Atmeare m’a suggéré qu’au premier temps de la représentation de la crucifixion, Jésus était représenté en orant (priant).

La 1ère station, Jésus condamné, occupe toute la surface de la tôle. La 2ème, première apparition de la croix, déborde du cadre et s’éloigne petit à petit jusqu’à atteindre sa pleine proportion à la 13éme station, la piéta, juste après la mort du Christ : Marie reçoit le corps de son fils mort. C’est la seule station où la croix a ses proportions respectées.

Autre souci à résoudre avec le format allongé des tôles, les 3 chutes du Christ, à la 3ème, 7ème et 9ème station. Je n’ai pas voulu faire de raccourci pour garder une frontalité des sujets : la solution a été de décomposer la chute, de la rendre progressive.

Pour Jésus et son corps, je suis partie du squelette, comme base universelle de tout corps humain, et du cœur qui alimente chaque membre. J’ai mis de côté l’expression de la souffrance physique qui est évidente, en faveur de l’expression d’une paix profonde, qui est pour moi toute la force et le mystère de ce pèlerinage.”

“En accueillant ce chemin de croix contemporain, le Père Jean-Marie Atmeare et sa communauté ont donné leur confiance pour cette création très originale. Ils renouent avec la tradition multiséculaire de notre Eglise qui, depuis de nombreux siècles, a toujours dialogué avec les artistes. Chaque époque a son style, son design, son architecture… son chemin de croix. Au bout de ce dialogue fécond avec Philomène est née une œuvre extraordinaire.”

Anne da Rocha Carneiro, responsable de la Commission diocésaine d’art sacré

Chemin de croix, chemin de foi

“Quand j’ai accepté de réaliser le chemin de croix de l’église St Hilaire d’Halluin, il y a 5 ans, je n’avais pas du tout imaginé à quel point ce projet aller changer ma vie. J’ai accepté ce projet, pensant que par l’art, je pouvais entrer plus intimement dans l’œuvre de Jésus, avoir une compréhension plus personnelle, une relation plus profonde.

Depuis, j’ai fait des choix dans ma vie qui sont de l’ordre de la Providence. Comment, petit à petit, je me détache, de mon confort matériel, de mon besoin de reconnaissance, de ma volonté, de ma pensée… pour laisser place à la joie d’écouter Jésus en mon cœur.

La première année, j’ai raté l’échéance, ayant eu une hernie discale aux cervicales qui m’a affaiblie la main. Deux autres projets se sont présentés à moi, la Cène et le lavement de pied pour la Passerelle à Euralille, et le Christ en gloire avec St Benoit Labre et ses compagnons, pour l’église du même nom à Wazemmes. Suite à ce dernier projet, fortement inspirée par St Benoît Labre, j’ai marché pendant trois mois, de monastère en monastère.

La troisième année, en disquant les tôles en acier prévues pour le chemin de croix, je me suis cassé le ménisque, échéance de nouveau ratée. Puis il y a eu le covid et ses confinements… Comme si je devais travailler mon rapport à la souffrance, ma propre souffrance et surtout, le rapport à ma volonté. Jésus, à Gethsémani, sachant le calvaire qui l’attend, est pris de tristesse et d’angoisse, il tombe face contre terre en priant : « Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi, cependant que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. »

Le chemin de croix interroge et répond au sens de la souffrance, le dénuement le plus extrême. Jésus enseigne par l’exemple : comment garder un cœur en paix et rempli d’amour, quand le corps et l’esprit sont dans une extrême souffrance ? Dans l’abandon total à la volonté de Dieu, la Providence. Même si tristesse et angoisse m’ont prises tout au long de ce travail, je sais qu’elles ont été nécessaires pour ma transformation, ma libération.”

Ses choix artistiques

“Dès le début du projet, j’ai choisi le métal comme conducteur d’énergie, antenne liant le Ciel et la Terre. J’ai choisi l’acier, alliage de fer (qui provient majoritairement de météorites du ciel) et de carbone (charbon de bois provenant de la terre). Sur cette fusion de fer et de carbone, l’air et l’eau donnent la rouille. J’ai aussi utilisé des acides, chlorhydrique et sulfurique, pour avoir des tons de rouille différents.

Les vitraux donnent la couleur et la lumière sur la rouille poncée et gravée. La rouille, considérée comme une corrosion, une fragilisation du matériau, met ici en évidence l’acier poli rendu lumineux.”

“Philomène a réalisé un travail long de réflexion, de test, de méditation sur la Passion de notre Seigneur avec beaucoup d’humilité. Lors de notre dernière rencontre cet hiver nous avons cherché ensemble le meilleur emplacement pour les stations sur les colonnes de l’église Saint-Hilaire. La lumière des vitraux magnifiait les pas de la Passion. Tout à coup, ce qui ne se révélait pas au premier regard s’illuminait devant nous. Nous étions émus de découvrir en pleine lumière du jour son œuvre. Ce travail exigeant tout en finesse et rigueur est une forme d’ascèse.”
Anne da Rocha Carneiro, responsable de la Commission diocésaine d’art sacré

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