CET HOMME ETAIT LE FILS DE DIEU

“Le Cri”…. connaissez-vous ?
Une œuvre picturale plus que centenaire.
D’Edvard Munch, artiste norvégien.
Symbolisant l’homme moderne que submerge l’angoisse.
Le projet de ces lignes n’est pas d’en entreprendre le commentaire.
Mais de noter simplement qu’une version du Cri fut, il y a peu de temps, portée aux enchères à New York.
“Salle comble. Vente n’ayant duré que douze minutes. Les sept acheteurs enchérissaient par tranches records”.
“Le Cri” de l’humain en déréliction atteignait des montants qui dépassent l’entendement.
A la neuvième heure, le Nazaréen mis en croix clama dans un grand cri : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?”
Laissant échapper à nouveau un grand cri (Marc 15,37) “Il expira”.
“Pour de vrai, cet homme était fils de Dieu !”
Acte de foi du centurion qui a vu comment le condamné a offert, dans son râle agonisant, le drame de l’humanité.
Acte de foi d’une bouche dite « païenne » valant plus que tout l’or du monde non encore découvert.
Cri filial. Cri de l’humanité.

Nous nous battons contre le Covid.
Cri d’agonie esseulée. Cri de lutte médicale contre la montre. Cri de rage contre les erreurs stratégiques. Cri d’impatience dans le défi du confinement. Cri devant l’économie qui vacille. Cri devant demain, dont nul n’ose bafouiller la prédiction. Cri de panique pour ce qui contamine. Cri devant l’absurde. Cri d’interpellations au sujet de tout ce qui n’est pas Covid et ne doit pas être oublié non plus.  Cri de joie devant les guérisons. Cri d’applaudissements quand il est vingt heures. Cri d’amour quand il se fait Skype. Cri de rire quand l’humour vient décompresser cette tension planétaire. Cri d’émerveillement quand la créativité se fait fraternelle. Cri au nom de celui qui, sidéré, ne sait crier.

Cri de Munch, que le gratin new-yorkais s’arrache,  fût-ce hors de prix !
Cri du Juste, livré à ses bourreaux trente pièces d’argent (Mathieu 26,15), simple mois de salaire de l’ouvrier, prix de l’esclave (Exode 21,32) honoraire du prophète quand ses dires s’accomplissent (Zacharie 11,12)
Toile de l’artiste qu’on s’arrache dans les salons.
Voile du sanctuaire qui se fend de haut en bas.
Cieux qui se fendent pour le Bien Aimé !
C’est la Pâque de Jésus!
Avions-nous perçu sa signification tandis que la présente épreuve nous frappe durement ?
Ayons l’humilité de le reconnaître :
Consommateurs empressés de religion, comme on consomme tant d’autres prestations, nous avions oublié le silence abyssal du Samedi Saint.
Nous nous demandions même puérilement à “quoi occuper” tout ce samedi.
Comme si le feu pascal n’était qu’un exutoire fébrile.
Nous nous étions accoutumés à fêter le Ressuscité en omettant ce vide où tout est abandonné à la nuit de l’amour.
Nous remplissions le samedi du déni de la mort dont Munch peint  si bien l’attitude fugitive.
A tel point que nous concevions la Pâque comme l’aubaine d’un week-end prolongé qu’aucun laïcard n’oserait écourter, à commencer pour lui-même…
Christ est ressuscité !
Les événements nous pressent de retrouver le sens profond de ce sur quoi nous ne faisions que surfer.
Réveillons-nous de cette torpeur spirituelle.
Les soignants s’affairent courageusement dans la lutte pour que vive l’homme.
Merci à eux cent mille fois.
Respectons le “comment?” de leurs prescriptions.
Mais n’exigeons pas d’eux le “pourquoi?” du devenir humain.
Ne commettons pas l’erreur de mettre sur leurs épaules ce qui relève de nous.
Cherchons qui nous guérira aux profondeurs de nous-mêmes.
Que la lutte contre le Covid soit abrasive de tout ce qui doit être bêché en nous.
“Qu’on me révèle un Dieu plus proche, plus amoureux des hommes, plus soucieux de notre humanité que ce Dieu-là, et je croirai en lui! ” dit Mgr Jean-Paul James.
Ici est le secret pascal !
Il n’est plus prochain de chacun que ce Sauveur de tout le genre humain.
Il n’est plus blessé d’amour que ce Ressuscité.
Il n’est plus vivant que ce crucifié.
Il n’est plus aimant que ce bien aimé.

Nous connaissions de Gaulle, le chef de la France Libre. Nous connaissons beaucoup moins de Gaulle, le père de tendresse envers Anne, sa fille handicapée.

L’aumônier de la 4e division cuirassée entendit de ce grand combattant : “Anne est ma joie et ma force. Elle est une grâce de Dieu dans ma vie. Elle m’aide à demeurer dans la modestie des limites et des impuissances humaines. Elle me garde dans la sécurité de l’obéissance, la souveraine volonté de Dieu. Elle m’aide à croire au sens et au but éventuels de nos vies. A cette maison du Père où ma fille Anne trouvera toute sa taille et son bonheur”.
Éminente humilité d’un grand, un très grand, qui se fait bien petit devant le mystère de l’amour, et y puise l’énergie de ses luttes !
La nécessaire prolongation du confinement mettra à l’épreuve en nous la capacité du meilleur comme du moins honorable.
Le temps pascal sera ce que de Gaulle nomme comme véritable école sur nous-mêmes. Le temps pascal  vivifiera en nous ce qui doit advenir comme fruit de cet acquiescement. La Pâque 2020 nous concentre à la fois pleinement contre le Covid et nous redit que l’homme passe infiniment l’homme quand il consent à l’amour.
Fidèles lecteurs de cette newsletter diocésaine, vos témoignages nous réchauffent le cœur. Venez au feu de Pâques ! Venez et y brûler l’expression de ce que vous ressentez. Laissez-vous embraser. À samedi !

Mgr Bernard Podvin
Missionnaire de la Miséricorde