Une Eglise qui ne sait pas…
En entrant dans ce temps de confinement, j’ai le sentiment d’être de retour en Chine où j’ai vécu si longtemps et où il m’était si incertain d’y comprendre le sens de ma vie de baptisé, de prêtre, de missionnaire. Un peu comme les moines de Tibhirine, plongés par l’envoi de l’Eglise dans le monde de l’Islam, comme dans un mystère, comme dans un secret de Dieu que l’Eglise ne sait pas déchiffrer. J’ai le sentiment d’en être là aujourd’hui, au seuil d’un temps tellement inconnu. J’entre dans ce temps comme Marie est entrée chez Elisabeth sans que chacune sache le mystère de la grossesse de l’autre. J’entre en visitation d’un temps inconnu où mes repères de vie d’Eglise sont muets comme l’était Zacharie.
Dès mon entrée en confinement, comme jadis dès mon entrée en Chine, j’ai ressenti des tressaillements, sans pour autant savoir ce qui allait naître de ce temps. Je désire me laisser saisir par une nécessité intérieure de reconnaissance du mystère de Dieu qui habite ce temps dans le bouleversement jusqu’à la souffrance et parfois la mort. Il y a la nécessité d’une attitude semblable à celle d’Elisabeth. Le Verbe ne cesse de venir à moi, enfoui et vibrant. La question est en moi de m’éveiller, de renaître à ce temps, dans une vie simple et discrète, comme un murmure d’Évangile. C’est le service que me confie l’Église.
Même dans la foule confinée, j’ai besoin d’aller reconnaître Jésus pour m’asseoir ensuite à sa table eucharistique, même si cette table est en ce moment une table de jeûne. La foule n’est faite ni de disciples ni d’apôtres, elle n’est pas l’Église, elle n’est que peuple de Dieu ! Vivant avec elle, parlant Évangile, j’essaye de lui dire, en l’aimant, qu’elle est aimée de Dieu, dans l’épreuve qu’elle connaît. Je vis « l’Église-Elisabeth », tressaillant au-dedans en discernant la venue du Verbe, aujourd’hui …
Père Jacques Leclerc du Sablon
20.03.2020