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L’Église de Lille au rendez-vous de l’Esprit-Saint dans le monde

25 septembre 2025 - Mgr Laurent Le Boulc'h
Actualités Déclaration officielle

L’Église de Lille au rendez-vous de l’Esprit-Saint dans le monde

1. Trois appels de l’Esprit Saint

Frères et sœurs,

À certains moments dans l’histoire des hommes, aux yeux des croyants, Dieu semble intervenir d’une manière plus pressante dans la vie du monde.

Le kairos désigne ces temps favorables de l’histoire dans lesquels l’appel vertical à la conversion se fait sentir de façon plus urgente et suscite de nouvelles réponses de foi.

Depuis quelques années, la question me vient à l’esprit. Connaîtrions-nous aujourd’hui une de ces périodes de grâces spirituelles ?
Est-il possible de discerner dans le frémissement spirituel qui semble à l’œuvre aujourd’hui dans notre pays un kairos, un ‘signe des temps’ pour notre Église ? Comment interpréter ce phénomène qui nous étonne et nous émerveille à la fois ?

Faut-il y voir le signe d’un changement majeur dans le rapport des hommes et des femmes au religieux,  ou ne s’agit-il que d’un simple mouvement superficiel et passager ? À quels déplacements ce kairos conduit-il notre Église ? À quels engagements renouvelés l’Esprit-Saint nous convoque-t-il ?

Fragilités et quêtes de sens.

Nous vivons dans un monde surprenant, à la fois rempli de promesses et de peurs. La croissance démultipliée de nos capacités technologiques augmente paradoxalement nos vulnérabilités. La surpuissance humaine engendre des défis de plus en plus nombreux et vertigineux.

Ce contraste imprègne nos réalités psychologiques, sociales, culturelles et écologiques. Il remet au premier plan la question de la finalité de notre agir et de notre être. Notre monde, apparemment si fort et pourtant tellement fragile, si sûr de lui et pourtant tellement incertain, engendre alors de profondes interrogations existentielles.

Dans un univers mouvant et sans finalité apparente, surgit en beaucoup la recherche de points d’appui fiables et d’un horizon dégagé qui permettraient de s’avancer avec plus de confiance dans l’existence. Le souffle de l’Esprit s’engouffre dans cette brèche.

Dans l’extrême fragilité actuelle de notre planète, des sociétés et des personnes, l’Esprit-Saint tracerait-il au fond des êtres la voie d’une plus grande maturité spirituelle ? Je suis frappé, en bien des rencontres et des courriers reçus, par la force du questionnement posé aujourd’hui par des adolescents et des jeunes adultes.

Cette quête actuelle de sens conduit parfois au Christ. Un peu partout en France, nous sommes les témoins étonnés d’un nombre croissant de jeunes et de catéchumènes qui frappent aux portes des églises. Au point que le phénomène intéresse maintenant les sociologues qui proposent toutes sortes d’explications, de la quête des repères à l’impact des réseaux sociaux …Cette expérience spirituelle inattendue de notre temps nous bouleverse de joie. Elle ouvre en nous une espérance. Bien que des pans entiers de la construction de l’Église continuent de s’effondrer, et cela est encore pour nous une grande épreuve, frappe à nos portes le souffle de l’Esprit Saint. Il nous appelle à un réveil missionnaire car l’Église doit être au rendez-vous du questionnement spirituel de notre temps ! Le Chemin de Renouvellement Missionnaire dans lequel s’est engagé le diocèse de Lille veut répondre à ce beau défi.

Cet appel missionnaire bouscule notre Église au moment où elle éprouve de grandes fragilités. Atteinte par le vieillissement de beaucoup de ses communautés, la fatigue de ses prêtres et d’autres ministres et serviteurs, le scandale insoutenable des violences et des abus en elle, la baisse de ses ressources, l’Église en France est renvoyée à ses faiblesses et à son péché. C’est pour elle l’expérience d’un désenchantement et d’une grande souffrance. Mais ce ‘tomber de haut’ peut aussi engendrer paradoxalement en elle la grâce d’un renouveau dans la mission, à la condition toutefois que cette prise de conscience qualifie réellement son acte missionnaire.

Reconnaître et assumer sa petitesse et sa vulnérabilité invite l’Église à résister aux tentations de suffisance et de supériorité dans sa mission d’évangélisation.

Elle se voit appelée à entrer dans des relations d’humilité et de foi avec le monde, s’abandonnant à la seule puissance du Seigneur qui se déploie dans le mystère pascal, faisant siennes les paroles extraordinaires de l’apôtre dans la seconde lettre aux corinthiens :

« Frères, nous portons un trésor comme dans des vases d’argile ; ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et ne vient pas de nous» (2 Co 4,7).

Comme si l’Esprit-Saint invitait la fragilité de l’Église à rencontrer sans crainte celles de la société et des personnes d’aujourd’hui, l’annonce de l’Évangile se vivant alors dans la rencontre en proximité de deux êtres qui se reconnaissent vulnérables et éprouvent le désir d’un salut. Être missionnaire, c’est témoigner alors que la révélation du Christ Jésus est la plus belle des réponses aux désirs de vivre, qu’en Lui se donne la puissance d’un Amour divin et sauveur qui fait passer de la mort à la vie. Dans cette relation, l’Évangile se dit aujourd’hui !

 

Trois appels de l’Esprit-Saint

Dans l’inattendu qui se présente à nous, nous reconnaissons aujourd’hui le travail de l’Esprit-Saint qui nous précède toujours. L’Esprit de Dieu ne connait pas les frontières, et nous nous émerveillons devant sa capacité à ouvrir, de manière parfois si surprenante, des êtres à l’œuvre de Dieu. Ce travail premier de l’Esprit-Saint nous bouscule et il provoque notre Église à trois conversions pour la mission.

Celles de l’espérance, de la sortie de soi, et de l’hospitalité.

L’œuvre de l’Esprit-Saint aujourd’hui porte l’Église à l’espérance. Il lui donne de croire que Dieu n’abandonne pas sa création à sa détresse et qu’il peut faire surgir l’impossible en elle. Dans les déserts spirituels, Il fait jaillir l’eau vive. «Le désert et la terre de la soif, qu’ils se réjouissent ! Le pays aride, qu’il exulte et fleurisse comme la rose, qu’il se couvre de fleurs des champs, qu’il exulte et crie de joie ! » (Is 35,1-2). Jésus n’annonçait-il pas à ses disciples : « Pour les hommes c’est impossible, mais pour Dieu tout est possible» (Mt 19,26) ?

De ce monde en quête, l’Église entend un appel à sortir d’elle-même pour oser rejoindre et écouter nos contemporains dans l’expression de leurs aspirations les plus profondes. L’exhortation si vive du pontificat du pape François à rejoindre les périphéries existentielles pour témoigner et annoncer la Bonne Nouvelle du Salut, ‘la joie de l’Évangile’ en Jésus, est toujours d’actualité. L’image d’une Église, ‘hôpital de campagne’ au milieu du monde en attente de consolation, résonne encore à nos oreilles. Le pape Léon XIV poursuit ce sillon d’une ‘Église en sortie’. Le diocèse de Lille, berceau du ‘catholicisme social’, entend d’une manière particulière cet appel qui l’encourage à approfondir et à partager la pensée sociale de l’Église, ressource de sagesse pour notre temps.

Et, voici encore, que dans notre temps, notre Église se voit appelée à accueillir tous ceux et celles qui viennent à elle. Car un courant inverse s’est manifesté depuis peu. Favorisés par les réseaux sociaux, de nouveaux chercheurs de Dieu franchissent les portes de nos églises. Bien que si peu sachants des choses de Dieu, ils viennent à nous, porteurs déjà d’une étonnante expérience spirituelle. L’Esprit-Saint nous convie à entrer dans une relation d’hospitalité dans l’échange avec eux. Nous pensions les aider dans leur conversion à l’Évangile, et nous nous rendons compte que ce sont eux aussi qui nous provoquent au Christ. Accueillir leurs soifs nous convertit. Leurs conversions suscitent la conversion de nos communautés. Car ces nouveaux venus à la foi nous demandent de témoigner droit au but du plus essentiel de la foi. Nous recevons d’eux un appel au sein de nos communautés à progresser dans l’authenticité d’une vie plus évangélique et dans l’expression de la beauté liturgique de la foi.

Cet état de fait et ce triple appel ne rejoignent-ils pas le cœur de l’expérience de Jésus dans les évangiles ? Le Christ encourage ses disciples à s’en remettre au souffle de l’Esprit-Saint selon sa parole à Nicodème : « Le vent souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi pour qui est né du souffle de l’Esprit. » (Jn 3,8).

Son ministère public le conduit à sortir sans cesse à la rencontre de celles et ceux qui sont dans l’attente de consolation, de justice et de guérison, celles et ceux qui sont conscients d’avoir besoin d’un Autre pour connaître un salut dans leurs existences : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. » (Mc 2,17) dit Jésus. Les paraboles de Jésus exhortent si souvent les scribes, docteurs de la Loi et pharisiens à accueillir la fraîcheur et la grâce des derniers venus à sa Parole dans la joie de l’action de grâce, ces derniers qui deviennent les premiers, « Les derniers seront les premiers» (Mt 20,16).

Frères et sœurs, responsables en pastorale, il nous revient d’aider les communautés et les assemblées d’Église qui nous sont confiées à accueillir ces trois appels de l’Esprit-Saint.

Nous sommes conviés à les encourager à se décentrer d’elles-mêmes pour se vivifier dans l’espérance, rejoindre et accueillir au nom de Jésus Sauveur les assoiffés de salut. Je pense, tout particulièrement ici aux jeunes, aux catéchumènes et aux personnes en précarité, quelles qu’elles soient. Quand une communauté chrétienne s’ouvre à ces différentes personnes, elle témoigne alors qu’elle est entrée dans l’évangile et elle en devient son témoin vivant. Là sera sa joie véritable, la joie de l’Église, notre joie à tous, à l’image du ciel : « Ainsi je vous le dis : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit.» (Lc 15,10). C’est la raison pour laquelle l’accueil missionnaire de l’Église doit se vivre au cœur des communautés paroissiales, en collaboration avec tous les services et les mouvements du diocèse. C’est ce qui a motivé, entre autres, les nouvelles pratiques de l’initiation catéchuménale dans lesquelles nous nous sommes engagés.

Espérer dans l’Esprit-Saint, sortir pour rejoindre et accueillir au sein de nos communautés, ces trois gestes de conversion missionnaire concernent tous les baptisés dans la diversité de leurs vocations. La mission ne trouve vraiment sa fécondité que lorsqu’elle est portée par la communion de tous. Dans la suite du concile Vatican II, la communion pour le service de la mission est appelée à s’inscrire dans la gouvernance de l’Église par la synodalité.
La synodalité incarne un art original du discernement pastoral dans l’Église catholique que nous devons encore apprendre à mieux pratiquer.

La conversion missionnaire de l’Église se vit aussi dans la sobriété. Cet appel que nous recevons de l’Évangile devient une exigence de notre temps. Mission, communion, synodalité et sobriété sont quatre marqueurs de la pastorale du diocèse de Lille.

Frères et sœurs, dans la communion diocésaine, je vous invite à vous avancer sans craintes sur ce chemin, portés par l’espérance en l’Esprit Saint, attentifs aux attentes spirituelles de notre temps, désireux de servir la mission de l’Évangile, engagés avec confiance dans le mouvement pascal de la mort à la vie.

Le kairos spirituel de notre temps nous appelle à ce rendez-vous!

L’Église de Lille au rendez-vous de l’Esprit-Saint

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2. Proximité évangélisatrice dans la communion ecclésiale

La mission de l’Église est confrontée aujourd’hui au défi territorial de la proximité et de la communion. La grande mobilité dans la société et les évolutions de l’Église en ont bouleversé la donne.

Pendant des siècles, l’Église catholique a organisé son rapport au territoire dans un maillage resserré de paroisses qui correspondaient aux périmètres des communes, des villages et des quartiers. Chacune disposait au moins d’une église, d’un curé et des mêmes services pastoraux. Dans un contexte de chrétienté, cette organisation permettait d’assurer auprès de tous l’encadrement de la foi et portait des fruits, Dans les visites pastorales des doyennés, je perçois combien ce maillage, village après village, quartier après quartier, est encore prégnant dans la culture du diocèse de Lille.

Nous devons assumer le fait qu’une telle organisation ecclésiale ne peut plus tenir.

L’évolution de la société, l’affaiblissement des communautés chrétiennes et le plus petit nombre de prêtres, rendent de plus en plus irréaliste un tel quadrillage. Chercher à le maintenir coûte que coûte, c’est risquer d’altérer la qualité du ministère, notamment celui des prêtres, et d’épuiser la vie des communautés. Il nous est devenu nécessaire de repenser la présence de l’Église dans notre territoire.

Cependant, il nous faut résister aux tentations d’envisager la réorganisation territoriale de notre diocèse dans la seule perspective d’un déclin. Le désir d’un regain missionnaire dans notre situation contemporaine doit être la cause l’impulsion première de nos changements.

Les défis de la mission de l’Église vécu dans l’espérance, la sortie de soi et l’hospitalité, et de la communion portée dans la synodalité et la sobriété, nous orientent d’abord.

Se pose d’abord la question de la proximité de l’Église, car l’annonce de l’Évangile ne peut se suffire de relations à distance. Le témoignage des chrétiens qui vivent dans la proximité des villages et des quartiers est vital pour l’annonce de l’Évangile, car l’Évangile a besoin de s’incarner dans la proximité de visages d’Église. Or, ces visages ne peuvent plus se confondre avec ceux des prêtres ou des seules assemblées eucharistiques, sous peine de s’effacer dans bien des endroits du diocèse. Nous avons besoin aujourd’hui imaginer d’autres formes de présences d’Église, rayonnantes d’Évangile, au plus près des gens.

Ce visage de proximité missionnaire de l’Église est appelé notamment à se vivre dans une diversité de petites fraternités de la Parole. Le 27 septembre prochain, après-demain, nous rendrons grâce à Dieu pour tout ce que les fraternités donnent d’expérimenter d’hospitalité fraternelle, d’écoute priante de la Parole de Dieu, de désir de conversion au Christ et de témoignage missionnaire, en solidarité avec le voisinage. Cet élan des fraternités est appelé à se développer parce qu’elles sont une des clefs de la présence missionnaire de l’Église aujourd’hui et demain. Par elles, le vieil arbre qu’est devenu l’Église catholique chez nous réapprend à redevenir semence. Il s’efforce, malgré son âge et son épuisement, de jeter les graines de l’Évangile au plus proche, renouant avec l’expérience naissante de l’Église au premier siècle. Il s’efforce, malgré son âge et son épuisement, de jeter les graines de l’Évangile au plus proche, renouant avec l’expérience naissante de l’Église au premier siècle.

La proximité évangélisatrice de l’Église se joue dans la diversité de ses lieux : une église, un relais paroissial, une école catholique, une aumônerie, un tiers lieu, un espace d’accueil. À condition cependant que ces lieux soient portés par des disciples-missionnaires qui se relient entre eux. Il n’y a pas de lieux vivants sans liens entre les vivants. Tout ce qui engendre du lien est précieux et nécessaire pour la vitalité d’un lieu. L’Église porte ainsi la responsabilité de contribuer, au nom de Jésus, à favoriser des liens entre tous dans les différents lieux. Cela suppose que les baptisés se réunissent en ces lieux pour imaginer ensemble comment témoigner du Christ dans la rencontre et l’hospitalité de tous. Cette perspective nous demande de quitter des logiques d’uniformité et de concurrence entre les lieux, comme si chaque lieu avait droit aux mêmes ressources pour une vie identique et séparée. Le défi du témoignage évangélique dans la proximité du monde est premier. Il est décisif. C’est par lui que nous commencerons à discerner les perspectives de notre réorganisation ecclésiale. Cependant, ce témoignage essentiel ne peut se vivre dans l’église catholique sans une relation vivante avec l’assemblée eucharistique, « source et sommet de la vie chrétienne », en lien avec le ministère presbytéral qui la préside.

Un deuxième volet de réflexion s’ouvre ici pour nous. Il touche à la signification et à la place de la convocation eucharistique et ses liens avec les différents lieux de proximité évangélisatrice. Il concerne la signification et la place du ministère sacerdotal et ses relations avec les autres ministères qu’ils soient ordonnés, institués ou reconnus, ainsi qu’avec l’ensemble des baptisés.

Entre la proximité du témoignage évangélique et le rassemblement de la communion du Christ, il y a un cordon nourricier, une relation vitale réciproque dont il est important de prendre soin. Il en va de même du lien au ministère des prêtres.

Le défi missionnaire de la proximité dans la communion de l’Église est au centre du questionnement de la nouvelle étape du renouvellement missionnaire de notre diocèse que nous allons commencer à vivre cette année. Nous interrogerons l’organisation actuelle de nos lieux d’Église : quelle vie nouvelle dans les paroisses et autres communautés d’Église ? Quels lieux de vie et de synodalité, de ressourcement et de partage favoriser la mission et la communion de l’Église en tenant compte de ses moyens ? La démarche interrogera aussi les acteurs de l’Église. Comment rendre plus participant le Peuple de Dieu à la mission ?

Quelles missions donner aux prêtres, aux diacres et aux fidèles laïcs dans un territoire ?

Quels appels et quels changements à vivre dans le ministère des prêtres pour un regain de fécondité ? Quels modes de gouvernance mettre en place dans la diversité et l’articulation des ministères ? Quels appels vocationnels transmettre ?

Frères et sœurs, dans la communion diocésaine, je vous invite à vous avancer sans craintes sur ce chemin, portés par l’espérance en l’Esprit Saint, attentifs aux attentes spirituelles de notre temps, désireux de servir la mission de l’Évangile, engagés avec confiance dans le mouvement pascal de la mort à la vie.

+ Laurent Le Boulc’h

Archevêque de Lille

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