Le Secours catholique fait face à la crise
Comment le Secours Catholique a-t-il vécu sa mission à travers cette année de crise sanitaire ?
Le virus nous a impacté immédiatement, car la majorité de nos bénévoles étaient des retraités. En 24h, 90% de nos bénévoles ont dû se protéger. Certains ne voulaient pas, mais nous le leur avons demandé fortement. Nous avons choisi d’être solidaires de la lutte sanitaire, nous avons fermé immédiatement nos 40 maisons, et nous avons dû inventer de nouveaux moyens de proximité.
Au premier confinement, il nous a fallu apprendre à manier les protocoles sanitaires, les distances sociales. Nous n’avions ni gel, ni masques, pour aller vers les gens en difficulté. Nos bénévoles et nos salariés portaient des aides financières d’urgence dans les maisons, les appartements, tout en essayant de se tenir à distance. Pas toujours facile dans les cages d’escalier ! A ce moment-là le peu de masques disponibles était d’abord destiné aux soignants, ce que nous comprenions bien.
Je me souviens des tournées en vélo ou en voiture dans les rues vides. On sonnait à une porte, on déposait une enveloppe dans la boite aux lettres, on se reculait et on attendait que la personne sorte, récupère l’enveloppe, et on repartait.
Je me souviens des journées de permanence téléphoniques où des collègues recevaient 40 ou 50 appels de détresse. C’était trop lourd. Rapidement nous avons fait appel et de nouveaux bénévoles, jeunes, sont venus prendre des relais au téléphone. Un grand merci à eux.
Progressivement les équipes se sont initiées aux conférences téléphoniques, aux réunions par téléphone. Ce qui se faisait en présentiel s’est reporté sur ces outils modernes, moins conviviaux mais nécessaires. Du soutien s’est organisé pour faire du lien, en appelant, en prenant des nouvelles.
Dès mai, avec des protocoles sanitaires stricts nous avons pu relancer des activités d’accueil en petit nombre, en travaillant sur rendez-vous, en supprimant les salles d’attente comme chez les médecins. Cela nous a permis de continuer à accueillir et écouter des personnes qui n’utilisent pas le téléphone, ou qui ne parlent pas ou peu le français. Nous avons aussi maintenu des activités de jardin en petit effectif, pour permettre à des personnes de sortir de leur petit appartement. Nous avons aussi maintenu quelques accompagnements scolaires pour des enfants très perturbés par le confinement.
Et puis nous avons aussi saisi l’occasion pour mieux travailler avec d’autres. A Lambersart, dans nos locaux, l’association Romano Pral a fait fonctionner une distribution de courrier en DRIVE pour 150 familles de voyageurs : les familles ne rentraient pas dans la maison mais récupéraient leur courrier par la fenêtre : service indispensable et occasion d’un échange. A Roubaix, dans nos locaux également, l’association Le fil de l’Epeule a développé son soutien alimentaire aux plus démunis. A Tourcoing nous avons soutenu financièrement une petite association courageuse qui portait 25 SDF privés de contacts avec les services sociaux. A Wattrelos nous avons soutenu une association de soutien à des femmes en danger, cachées chez elles, sans ressources. Et globalement cette période aura été aussi un temps de meilleurs échanges avec des services sociaux, pour soutenir des situations plus difficiles.
A Lille nous avons réorganisé le service d’acheminement des correspondances avec les détenus, pour qu’il reprenne.
Mais nos groupes conviviaux, nos groupes de rencontres contre l’isolement, nos vestiaires et boutiques solidaires ont dû s’arrêter. Seules quelques actions de préparation de colis de vêtements ont pu se tenir pour des urgences : nous avons eu l’impression de régresser de 40 ans : une époque où les gens n’entraient pas dans les vestiaires, prenaient ce que les bénévoles décidaient de leur donner. Occasion de mesurer le chemin parcouru !
Pendant ce temps nous avons poursuivi notre travail sur des dossiers plus longs et lourds qu’il ne nous faut pas abandonner : l’ouverture d’un lieu d’accueil pour des femmes sur Lille, une implantation nouvelle à Villeneuve d’Ascq dans le quartier des universités, un projet humanitaire sur le littoral pour les exilés, l’action contre l’exclusion énergétique dans les logements insalubres avec le Réseau Ecohabitat, un changement de lieu d’accueil à Estaires, un projet lourd de rénovation de nos locaux à Roubaix, et notre dynamique pour être moins dans l’aide d’urgence et plus dans l’accompagnement durable, engagée depuis plus de 8 ans.
Sur la France, le Secours Catholique a acheminé 6 millions d’Euros d’aide d’urgence grâce à la générosité des donateurs. Et pendant le même temps il a pris la tête d’un collectif qui a obtenu de l’Etat une aide d’environ 1 milliard d’euros pour les personnes démunies. Le Secours Catholique, c’est ça aussi : agir sur le terrain pour mettre en évidence le besoin et mettre les pouvoirs publics en quasi obligation de prendre leurs responsabilités.
Enfin, même si c’est dans la discrétion et moins souvent, nous avons continué à vivre l’eucharistie en tout petit effectif pour porter les actions du Secours Catholique et se réjouir de toute la générosité rencontrée au long des jours.
Xavier Villette, diacre, délégué diocésain du Secours catholique