Echéances électorales
Déclaration de Mgr Ulrich
Devant la gravité de l’échéance électorale, il nous faut souligner encore que les enjeux doivent être bien pesés comme Mgr Eric de Moulins-Beaufort l’avait exprimé dans trois paragraphes de son discours de clôture de l’Assemblée plénière de printemps qui sont reproduits ci-après :
” Dimanche, après-demain, sera jour d’élection présidentielle dans notre pays. Les enjeux en sont grands, l’issue est incertaine. Mais ce dimanche est surtout pour nous celui des Rameaux. Nous tous baptisés allons acclamer le Seigneur qui entre dans Jérusalem. Il est le roi, le seigneur de nos âmes. Lui seul est digne que nous lui attachions notre liberté. Lui seul est le roi doux et humble, qui monte sur un âne. Devant lui toute puissance politique se trouve relativisée, non pas humiliée, non pas détrônée, mais mise à sa place. Dimanche, nous n’élirons pas un sauveur de la France, ni un messie, ni quelqu’un qui devrait incarner tout le bien à faire. Nous aurons à choisir un responsable politique, homme ou femme, celui ou celle qui aura à conduire notre pays dans les temps toujours incertains où l’humanité avance, dans ces temps spécialement incertains de fractures sociales, de crise sanitaire, de crise écologique, de guerre toujours possible. Il n’aura pas la solution à tout, il ne pourra pas empêcher toute immigration, il ne saura pas inventer l’énergie infiniment renouvelable, transportable, efficace. Il ne pourra pas non plus changer les cœurs. Il aura à nous conduire tous, sur la moins mauvaise voie possible, en cherchant, selon ce que préconise le texte du conseil permanent à propos des élections, en cherchant à renforcer notre élan collectif pour choisir de vivre ensemble en paix. Vivre cela n’est pas établir le Royaume des cieux, c’est le symboliser, et c’est déjà s’orienter, le sachant ou non, le voulant ou non, vers la réconciliation en Dieu.
Il y a un siècle cette année, le 2 mars 1922, le pape Pie XI confirmait Marie, dans le mystère de son Assomption, patronne principale de la France, et sainte Jeanne d’Arc, patronne secondaire. Il y a 80 ans, le 23 août 1942, le cardinal Saliège, archevêque de Toulouse, pourtant perclus par la maladie, à moitié paralysé, publiait sa lettre pastorale sur la personne humaine, alors que le régime de Vichy avait publié les lois antijuives et contribué aux rafles des nazis. Des personnes courageuses ont distribué ce texte dans les paroisses du diocèse pour qu’il soit lu en chaire. Dans une telle parole, dans de tels actes, nous percevons la France, notre pays, dans ce qu’il a de meilleur et de vrai, dans sa vraie liberté. Un chercheur, spécialiste des violences de masse, Jacques Semelin, a étudié ce qui a rendu possible que les deux-tiers des Juifs de France échappent à la solution finale. Quelques-uns ont été sauvés par des Justes, conclut-il, beaucoup, en fait par eux-mêmes, mais ils ont pu le faire parce que quelqu’un, pas toujours mais souvent, un baptisé, leur a ouvert une porte, offert un déjeuner, plus simplement encore les a laissé passer sans rien dire ni rien voir.
Là se perçoit l’âme chrétienne de notre pays, façonnée par la charité, qui reconnaît le Christ dans toute détresse, le Christ Jésus qui, non seulement est entré dans sa création, mais qui, selon le mot de saint Paul, « s’humilia plus encore » (Ph 2), et celui du bientôt saint Charles de Foucauld qui nous a été commenté, est le Christ de l’abjection, celui qui dût se cacher ; dans une telle parole et de tels actes vibre la sainteté ordinaire qui se consume au jour le jour dans le don de soi et se tient prête à se donner tout d’un coup lorsqu’il le faut ; la sainteté ordinaire et extraordinaire qui sait se faire hospitalité lorsqu’il le faut. Il me faut le dire encore : l’âme du cardinal Saliège était indemne de tout antisémitisme et il y a encore trop d’antisémitisme, caché ou non, dans notre pays ; le Christ de l’abjection, il pourrait être dans des personnes âgées qui sentiraient peser la pression de l’euthanasie si celle-ci était un jour légalisée. Il est déjà dans les migrants clandestins ou non que notre Etat et, plus généralement, notre société ont du mal à accueillir comme des frères et sœurs en humanité et traite comme des délinquants. Le 15 août prochain, nous pourrons rendre grâce à Dieu pour la protection de Notre Dame sur notre pays et en renouveler la consécration, en suppliant pour que de nombreux Saliège ou Théas se lèvent, de nombreuses Thérèse Dauty, lorsqu’il le faut. Et nous reconnaissons volontiers l’œuvre de Dieu en tant de non-chrétiens ou de peu chrétiens qui savent aussi trouver le geste ou la parole qui amènent de la vie et de l’amour là où la peur et la haine pourraient l’emporter. Notre pays ne se définit pas par la nostalgie de ses grandeurs passées, il ne se grandit pas en prétendant s’entourer de murs, il ne se grandirait pas non plus s’il en venait à renoncer à accompagner les êtres humains jusqu’au bout de leur vie en les entourant de fraternité au profit d’une mort prétendument douce. Notre pays est vivant lorsqu’il porte au milieu des nations la voix du respect de toute personne humaine et de l’espoir de pouvoir nouer une alliance avec elle.”