QUE SERT À L’HOMME DE GAGNER L’UNIVERS?

QUE SERT À L’HOMME DE GAGNER L’UNIVERS?

Drapeau ukrainien à nos fenêtres ? Don aux organismes solidaires? Accueil de familles ? Veillée de prière ?  Depuis le fatidique 24 février, les réactions du cœur et de l’esprit   tentent de surmonter  la consternation.
Comment en est-on arrivés là ? Que peut-on faire ?
« La question décisive pour le destin de l’espèce humaine est de savoir si, et dans quelle mesure, son développement culturel réussira à se rendre maître de la perturbation apportée à la vie en commun par l’humaine pulsion d’agression et d’auto anéantissement. Les hommes sont maintenant parvenus si loin dans la domination des forces de la nature qu’avec l’aide de ces dernières, il leur est facile de s’exterminer les uns les autres jusqu’au dernier ».
Qui s’exprimait ainsi ? Un certain Freud.
Il écrivait ces lignes… en aval de la première guerre mondiale et en amont de la seconde.
Il ne sera  pas le seul auteur  à décrire au fil du temps  le combat  de la culture humaine à contenir la pulsion de mort.
Depuis le vingtième siècle (si  tragique et meurtrier pour nos aïeux), rien de neuf sous le soleil dans la conscience humaine ? En tout cas,  une immense  naïveté et immaturité à ne pas discerner que la numérisation du monde n’était surtout pas une extinction de sa violence directe et meurtrière. « La modernité n’a pas fait disparaître la Horde, écrit la philosophe Cynthia Fleury. Elle l’a multipliée !  »
Nous entrons en Carême, le cœur gros.
Le cœur révolté. Le cœur contrit.

Mis à l’épreuve,  pas  indemnes (et pas forcément sortis)   de la pandémie, nous voici sidérés par la guerre. Guerre  si proche de nous  et si décisive pour le monde.
Nous comptons avec effroi  les ogives nucléaires.
Oui, l’homme  peut  s’anéantir par la folie meurtrière d’un seul !
Cette prise de conscience nous tétanise-t-elle ou nous réveille-t-elle ?
Sauver une vie, puis une autre, puis une autre encore, est le  refus de  cette fatalité.
Une vie n’est peut-être  rien pour celui qui extermine.
Mais une  vie est tout pour celui qui aime !
« Que sert à l’homme de gagner l’univers s’il vient à perdre son âme? » interroge le Christ
(Mat 16,26)
Il faut être Jésus, non seulement pour poser la bonne question, mais surtout incarner la voie salutaire.
Il vainc  les pièges  du Tentateur.
Il  éveille en nous la  conversion.
Temps du Carême, bienvenue à toi !
Afin que se concentre en nous l’essentiel.
Afin que nous priions, jeûnions et agissions le regard fixé sur Jésus.
Temps du Carême, bienvenue à toi!
Afin que nous nous délestions de ce qui nous addicte et aveugle.
Afin que nous devenions des résistants intérieurs à la haine.
Afin que nous mûrissions davantage  dans la connaissance du monde et dans la sagesse à assumer  sa complexité.
Afin que nous posions les gestes de fraternité là où ils sont attendus au rendez-vous de l’histoire.
Dans  la tragédie de l’Ukraine, comme en tant d’autres,  le chrétien doit être aux premières lignes. Premières lignes, non de vaine gloire, mais de soulagement envers nos frères  meurtris, de résistance à la folie, d’intercession et de discernement en faveur  de ce qui est juste pour la communauté internationale.
Le don de soi prend une acuité plus grave quand le ciel s’assombrit. Il puise sa force dans l’entraînement des exercices du Carême.
Le temps se fait court. L’amour du Christ nous presse à vivre en hommes nouveaux !
Temps du Carême, bienvenue à toi.

Mgr Bernard Podvin
Missionnaire de la Miséricorde