Nos colocs nous donnent des leçons de vie

SOPHIE ET LOUIS, MARIÉS,
RESPONSABLES DE LA MAISON LAZARE À LILLE

 

> Notre regard sur «le pauvre» a fondamentalement changé. La connaissance progressive de l’autre et de son histoire permet de dépasser nos peurs. Notre jugement, souvent hâtif, a laissé la place à la compréhension, la bienveillance, la compassion… Sous des carapaces endurcies par de profondes souffrances, la grande pauvreté matérielle cache bien souvent une très grande richesse de coeur. Chaque jour, nos colocs nous donnent des leçons de vie, de persévérance, de générosité et d’amour. Nous sommes clairement transformés par la mission. «En fait, maman, à la coloc, qui a connu la rue ?» : merveilleuse question d’un de nos garçons qui montre combien nos regards d’adultes peuvent être teintés de préjugés enfermants. Gardons un regard d’enfant… Nous touchons du doigt la précarité, les fragilités sociales et psychologiques, les addictions. Nous sommes déplacés dans notre quotidien privilégié et bien huilé, nous sommes chahutés à la hauteur de l’enjeu de la mission. Chaque coloc a son histoire et nous réalisons combien
toute vie humaine est précieuse et sacrée.
Nous sommes touchés par les coeurs qui s’ouvrent, la confiance qui s’installe, les mots ou les regards qui disent la souffrance vécue et l’espoir d’un horizon qui s’éclaircit. Et nous découvrons que la rue n’est pas une fatalité, les addictions non plus. Quand le genou est à terre, oui la fraternité relève et donne la force nécessaire pour avancer jour après jour. Nous apprenons aussi à nous en remettre à Dieu quand la force, la patience ou l’espérance peuvent venir à manquer…

 

Témoignage

Olivier
Après quelques années de vie monotone et fade, j’ai commencé à faire du bénévolat avec Magdala. J’ai découvert «le monde des pauvres», et je me suis retrouvé pauvre, sans
travail. Pauvre, sans le sou, sans logement à moi. Mais j’ai découvert la rencontre de celui dont on dit qu’il n’est bon à rien ou si peu, et qu’on ignore, mais qui était mon frère puisque j’étais comme lui. On se comprend et on partage les richesses du peu qu’on a parce que si on ne partage pas, on en meurt. Et j’ai eu cette chance de faire partie du groupe Place et Parole des Pauvres de Diaconia 2013. Un dur travail de penser, de parler, de convaincre, tous ensemble, mais quelle joie ! Celle de vivre cette fraternité qui unit.
Lors de Diaconia, j’ai redécouvert Dieu lorsque nous étions quinze mille à chanter le Resucitó pendant le pont de l’Ascension. Il était avec nous les pauvres et nous lui partagions nos sourires, nos joies, nos forces pour dire : nous sommes là, debout et vivants devant toi et avec toi ! Maintenant je travaille et j’anime parfois des groupes avec des personnes qui vivent la galère, avec une conviction : «Tais-toi, écoute et apprends. Ils ont quelque chose à t’apprendre de Dieu». Me mettre à leur service simplement en étant celui que l’on ne voit pas forcément me suffit, car comme l’a écrit Matthieu (19, 24) : «Je vous le dis encore, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille
qu’à un riche d’entrer le royaume de Dieu.»