Clameur de la terre, clameur des pauvres

C’est sur ce thème que cent vingt évêques et leurs deux cents invités ont écouté, début novembre, les personnes en situation de précarité et leurs accompagnateurs.

>> Pour Pascal Balmand, délégué à l’écologie intégrale pour la Conférence des évêques de France, «Écouter la clameur de la terre et la clameur des pauvres1», c’est se dire trois choses.

1. Les personnes en situation de précarité sont les premières victimes de la crise écologique. C’est vrai dans les pays les plus pauvres, par exemple à travers les effets du dérèglement climatique, mais cela se révèle aussi vrai dans les diocèses français d’outre-mer, ainsi qu’en France métropolitaine (pollution atmosphérique, dégradation
du cadre de vie, mal-logement, alimentation de mauvaise qualité, etc.).

2. Les personnes en situation de précarité ont beaucoup à apprendre à notre société par leur façon d’être et de vivre la fraternité. Attention toutefois de ne pas tomber dans le piège d’une idéalisation de la pauvreté. La pauvreté est belle quand elle est choisie librement.

3. La parole des personnes en précarité nous permet d’entendre le lien entre leur détresse et la terre. C’est la seule et même attitude intérieure qui détermine notre manière de prendre soin de la nature et de prendre soin de nos frères. Car «tout est lié» comme le dit le pape dans Laudato si’. La sobriété qu’elles vivent de manière obligée nous invite à une sobriété choisie.

Geoffrey et Yannick ont participé pour la première fois à l’assemblée de Lourdes, invités par Mgr Ulrich. L’un salarié, l’autre bénévole, ils animent avec une équipe la caravane de la fraternité, lieu itinérant mis en place dans le sillage de Diaconia 2013, le grand rassemblement qui s’est tenu à Lourdes cette année-là. Ils sont rentrés pleins d’espérance, réjouis que l’Église revienne à ses origines en plaçant au premier rang les personnes en situation de fragilité.

Propos recueillis par Marie Schockaert
Échos de l’assemblée plénière – Source : eglise.catholique.fr

 

Témoignages

Alain Richez
«Lorsque les oiseaux n’existeront plus, comme le disait quelqu’un, les pauvres n’existeront plus non plus car ils n’ont plus que cela, quelquefois, pour s’accrocher à la vie.» Ce n’est pas rien que d’entendre les pauvres. Ils nous rappellent l’essentiel de l’Évangile car ils portent en eux l’espérance de tous. Dans leur courage, leur effort pour se battre pour la vie. Et bien que parfois, nous ayons du mal à les entendre, parce qu’ils ne savent pas toujours bien le dire ou le lire, cela révèle notre propre fragilité, notre difficulté à les écouter et à les accompagner tels qu’ils sont. Notre rapport à la planète et notre manière de consommer, de placer l’humain dans nos sociétés révèlent aussi comment nous pouvons respecter la création de Dieu ou au contraire nous séparer de lui et donc, de l’amour du frère, par égoïsme ou indifférence. Voir à Lourdes danser ensemble les évêques et les personnes en situation de pauvreté, c’est ça l’Église que j’aime : celle de frères et soeurs unis malgré leurs fragilités.

Baptiste Snaet-Cornée
Il y a la pauvreté à combattre. Celle qui est due à l’écrasement, par manque d’argent, de moyens, d’éducation… Comme le bon Samaritain, nous devons aider ceux qui ne peuvent pas s’en sortir et combattre les causes de cet écrasement : inégalités, exclusions, violences physiques, sexuelles, morales ou symboliques. Il y a la pauvreté à cultiver. Celle de la béatitude enseignée par le Christ : «Bienheureux les pauvres de coeur.» Il ne s’agit pas là de dire que les écrasés et les exclus sont des modèles à reproduire.
Il ne s’agit pas non plus de ne plus combattre la pauvreté pour permettre aux pauvres d’être heureux. Des théologiens ont exprimé ça il fut un temps, on sait aujourd’hui que c’était une erreur. Il s’agit de cultiver une pauvreté intérieure, une attitude qui mène à la liberté, à l’autonomie. Pas une liberté qui dirait, «je fais ce que je veux quand je veux», mais une liberté qui dit : «Je suis pauvre, j’ai besoin des autres pour vivre, je reconnais mes interdépendances avec mes frères, je sais les aider quand il faut et recourir à eux quand j’ai besoin.» La rencontre avec les plus pauvres, c’est aussi une rencontre avec soi-même. C’est se rendre compte que quand on est au fond du trou, le seul moyen de s’en sortir est d’attraper la main tendue d’un ami en dehors du trou… Ce trou, c’est parfois la perte d’un logement, la maladie, la dépression… La solution ? C’est toujours l’Autre qui vient nous aider, à condition qu’on accepte son aide.