Regard de Mgr Podvin sur les abus

“Nous sommes confiés les uns aux autres” 

Face aux affaires d’abus sexuels sur mineurs, notre diocèse se mobilise. Rencontre avec Mgr Bernard Podvin, missionnaire de la miséricorde, qui nous invite à ne pas nous résigner mais à nous convertir, avec humilité et détermination. 

 

Église de Lille : Depuis plusieurs mois les affaires d’abus sexuels ne cessent d’éclater. Dans ce contexte difficile, le message de l’Église est-il encore audible ?  

Mgr Podvin : Il est évident que ces scandales inqualifiables rendent inaudible, pour beaucoup, le message que l’Eglise a mission de proposer à l’homme d’aujourd’hui. Soyons francs. Si cette réalité extrêmement grave indifférait l’opinion publique, nous aurions à nous inquiéter. Cette légitime réactivité est signe que l’Eglise, quoique très secouée et affaiblie, n’incarne pas « n’importe quoi » dans la société. A charge pour ses membres de se réveiller ! Ici, deux tentations sont entretenues par le Malin : soit nous résigner d’impuissance devant « cette boue «et nous retirer sur la pointe des pieds. Soit prétendre incarner une Eglise « de purs » sans nous convertir d’abord nous-mêmes ! 

On parle beaucoup de prise de conscience. L’Église peut-elle se reconstruire après une telle épreuve ? Quels sont les chemins de transformation et de conversion possibles ?  

François d’Assise représente à mes yeux une véritable icône pour nous en ces temps troublés. Il va aux profondeurs de ce qui doit changer. Mais avec plusieurs critères de sagesse et de vérité : D’abord, il est scandalisé au profond de lui, et pas à moitié. Deuxièmement, il priorise toujours le plus petit, le blessé. Troisièmement, il reçoit de Jésus son appel à réformer et ne se l’auto attribue pas. Quatrièmement, il consulte sans cesse Claire d’Assise et ses frères. Cinquièmement, il commence toute réforme par sa propre conversion. Sixièmement, il sait que tout cela ne l’exempte pas d’échecs, d’incompréhension.

À l’exemple de saint François d’Assise, priorisons toujours le plus petit, le blessé. 

Septièmement, il a une vision lucide et unifiée de l’homme en sa condition affective et spirituelle, sans dualisme, sans laxisme et sans désespérer de quiconque. Je le cite comme véritable source spirituelle d’inspiration et de réaction pour notre aujourd’hui. On se sent en effet petits devant des sujets si graves. Il me semble que l’humilité est l’attitude de fond. Une humilité d’où peut naître une détermination absolue à lutter contre tous les abus avec justice, vérité et liberté. Une fermeté sans complaisance, sans orgueil ni désespérance. 

En quoi le conseil diocésain de pastorale du 2 mai marque-t-il une étape dans notre diocèse ? 

L’initiative de Mgr Ulrich de réunir ce Conseil diocésain exceptionnel a marqué beaucoup de personnes. Ce fut une soirée intense, empreinte de gravité et de responsabilité. Un fruit essentiel que je souhaite de tout cœur de ce temps synodal ?  Que nous grandissions dans le soin porté les uns envers les autres ! Quand j’étais supérieur du séminaire, je disais toujours aux communautés chrétiennes : «tel séminariste vient à vous en serviteur de la mission. Il vous est confié !» Nous sommes confiés les uns aux autres. Nous devons progresser sans cesse dans cette attention fraternelle entre tous les états de vie de l’Eglise. Cet état d’esprit doit croître. La prise de conscience remarquable vécue dans ce Conseil du 2 mai doit, me semble-t-il, porter vers la « capillarité » d’une fraternité d’autant plus vitale que l’accélération des rythmes et la raréfaction des vocations pourrait individualiser chacune et chacun dans un repli sur soi. Ici deux attitudes éthiques sont absolument à tenir : ne jamais entraver la justice, et toujours refuser l’opprobre !